Jean de La Fontaine fêtera cet été ses 400 ans et La Pléiade nous offre, à cette occasion, une belle réédition des Fables. Replongeons dans l’œuvre magistrale de cet homme doué pour le bonheur qui sut faire de la poésie une école de la précision et de la juste fantaisie.
Y a-t-il des écrivains heureux ? En ces temps d’enfermements vétilleux, de vie au ralenti, de sensations amoindries, de tristesse généralisée et d’impossibilité à jouir du présent, à aimer le passé et à espérer dans l’avenir, la question prend une acuité nouvelle. Rassurez-vous, La Fontaine est là et avec lui tous les remèdes aux manques que nous venons d’énumérer.
Jean de La Fontaine est un classique, comme on dit. La preuve, il est 14e dans le palmarès des noms donnés à des établissements scolaires, de la maternelle au lycée. Chez les écrivains, il n’est devancé que par Prévert, Victor Hugo et Saint-Exupéry. Un classique qu’on étudie en classe et qui a appartenu à la formidable génération des années 1660 avec Pascal, Molière, Racine, Retz, La Rochefoucauld, Madame de Sévigné ou Madame de La Fayette sans oublier Boileau ou Bossuet. Mais aucun d’entre eux n’a donné son nom à autant d’écoles que La Fontaine. On retrouve ainsi cette vieille image du poète des Fables destinées d’abord aux enfants. Et ce, dès l’origine, puisqu’elles sont dédiées à Monseigneur le Dauphin, le fils du roi. Est-ce suffisant pour faire de La Fontaine un écrivain heureux parce que fidèle à l’esprit d’enfance, comme il l’écrit dans « Le Pouvoir des fables », une « fable sur les fables » autant qu’un art poétique :
« Si Peau d’Âne m’était conté,
J’y prendrais un plaisir extrême.
Le monde est vieux, dit-on, je le crois ; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant. »
On connaît peu de choses de sa vie
Toutefois, cela n’épuise pas la question, comme on s’en apercevra en lisant ce tirage spécial des Fables illustrées par Grandville que publie « La Pléiade ». Il est vrai que c’est son anniversaire, à La Fontaine. Il a 400 ans cette année. Il est né en juillet 1621 à Château-Thierry, aux portes de la Champagne. Le 7 ou le 8, on n’en est pas très sûr. Il y a d’ailleurs beaucoup d’incertitudes sur la biographie de notre homme. Ce n’est pas qu’il était particulièrement secret, c’est qu’on ne savait jamais où le trouver. On sait peu de choses de sa vie, sinon par les anas, ces recueils d’anecdotes et de bons mots sur les célébrités dont son époque était friande. Les anas ressemblaient davantage à la presse people d’aujourd’hui qu’à la Vie des hommes illustres.
Quelques faits avérés tout de même : son père est maître des Eaux et Forêts, charge dont il héritera. Ce n’est pas très rentable, mais ça laisse du temps libre. Le bonheur passe aussi par une certaine disponibilité à laquelle La Fontaine tient plus que tout : « Ne point errer est au-dessus de mes forces », écrit-il dans son Discours
