C’est assez tard, après avoir participé à un salon du roman noir à Lamballe (sa pluie, ses princesses décapitées) que j’ai appris dans une chambre d’hôtel, sur les chaines d’infos continues, ce qui avait fait l’essentiel du week-end en matière d’actualité. Dans un salon de ce genre, on est un peu comme dans une bulle, on regarde de potentiels lecteurs passer devant vos piles et on prie pour que ce soit la grande blonde au bout de l’allée qui s’arrête devant vous et vous déclare : « Vous êtes le meilleur, je ne peux plus lire autre chose, vos livres m’ont sauvé la vie et je voudrais vous en remercier. D’ailleurs, je suis riche et célibataire. » Mais on ne s’intéresse pas à grand-chose d’autre, en fait. Et le retour tardif à l’hôtel, en général assez alcoolisé car les écrivains de polars boivent beaucoup pour soutenir le choc des horreurs qu’ils racontent, a été le seul moment où j’ai pu reprendre contact, via BFM ou I télé, sur ce que l’on avait choisi de dire du monde.
Alors, on en était où ? La préparation de l’assaut terrestre sur Gaza ? Si peu. Dans ce genre d’histoire, si on ne connaît jamais les vainqueurs, seul point commun avec une élection à l’UMP, en revanche, on connaît toujours les vaincus ; ce sont les morts civils qui oublient assez vite qui ils étaient puisqu’ils sont morts et que le seul avantage de la mort est de relativiser tout le reste. Et, à ma connaissance, l’expression « à couteaux tirés » reste de l’ordre de la métaphore dans les fédérations UMP où se sont affrontés copéistes et fillonnistes.
Les manifestions, très réussies, contre l’aéroport de Notre Dame des Landes ? Si peu également. Que des milliers de pékins trempés mais décidés, s’opposent à un projet hérité des années 60, de la belle période prométhéenne des Trente glorieuses, devrait quand même intriguer. Surtout quand Marine Le Pen, attrape-tout de la contestation en France, assure les manifestants de son soutien. Manifestants que l’on présente au mieux, comme des nostalgiques du Larzac sauf qu’ils combattent, en plus, la bêtise mortifère aussi partagée chez les socialistes que chez la droite de ces temps de récession : c’est la croissance qui nous sauvera. Amen ! Et morts aux écolos et tant pis si l’avion sera devenu obsolète dans trente ans parce qu’on ne saura plus trop quoi mettre dans les réservoirs. Peut-être du gaz de schiste, ce qui nous permettra une dernière fois de survoler des paysages dévastés qui auront transformé le Bocage en Borinage.
Eh bien non, ce qui a passionné les médias ce week-end, ce n’est pas ça et encore moins les manifs anti-mariage gay, divisées entre deux factions rivales.
Ce qui a intéressé au point de tenir l’antenne toute la nuit avec cet unique sujet, donc, c’est l’élection à la présidence de l’UMP dont on rappellera que le U veut dire union, ce qui fait toujours rire.
Ce qui nous a étonnés, surtout, ce n’est pas le score serré, c’est l’étonnement des commentateurs. Comme si dans le feu de l’action, ils avaient oublié quelques évidences. D’abord, si j’avais bien compris, de l’aveu même des principaux challengers, il ne s’agissait pas de désigner le candidat à opposer à Hollande aux futures présidentielles, mais celui qui incarnerait l’opposition. L’âpreté du combat indique en fait que Copé comme Fillon avaient menti. Un quinquennat, ça va vite et le chef de l’opposition finit par devenir mécaniquement le futur candidat aux Présidentielles.
Ce premier malentendu a été suivi d’un autre : Fillon devait écraser Copé or, le second vient officiellement de battre le premier avec… 98 voix d’écart. On se croirait en Floride en 2000 ! Et pas seulement parce qu’il faut procéder à un recomptage mais aussi parce que ceux qui recomptaient le faisaient sous la houlette du gouverneur Jeb Bush, le frère de l’autre. Là, Copé, c’est un peu le Jeb Bush de l’UMP. Il n’est pas le frère de Sarkozy, juste le fils et comme c’est lui qui contrôlait l’appareil. Dans ces conditions, Fillon partait avec un sacré handicap, et il l’a fait savoir à l’occasion. Les journalistes sur les plateaux avaient beau moquer les sondeurs, pour une fois, ceux-là n’y étaient pour rien. Leurs sondages ne portaient pas sur les militants mais sur les sympathisants.
Apparemment, et c’est valable pour tous les partis, les médias semblent oublier qu’un militant, c’est quelqu’un qui est plus à droite que sa direction dans un parti de droite et plus à gauche dans un parti de gauche. Le militant colle des affiches, si, si, ça se fait encore, passe des samedis à tracter ou à « boiter », organise des réunions avec des voisins ou des collègues, vérifie laborieusement des mailings informatiques. Le militant, il se vit comme l’avant-garde éclairée de son parti. Le militant, même de droite, est un léniniste. Alors Copé, écrasé dans les enquêtes d’opinion par Fillon, est pourtant resté très zen pour une raison simple : seuls les militants ayant le droit de voter, c’est pour Fillon que ça allait devenir compliqué.
Cyniquement, car la politique n’est pas affaire de sentiments, je suis content que Copé ait finalement gagné. Il régnera sur un parti en ruines, entourés par des militants prêts à l’alliance avec l’extrême droite. Comme une bonne partie de la droite, de Fillon à Borloo ne pourra s’y résoudre, je serais curieux de voir le nombre de listes de droite qui seront présentes aux municipales de 2014 : FN, FN-Copéiste, Copéiste, Fillonniste, Fillonno-Boorloistes. Avec Copé, les maires de gauche à qui on avait promis la vague bleue, pousseront un ouf de soulagement. Ils apparaîtront pour de gentils gestionnaires soucieux du bien être de leur territoire face à des idéologues féroces.
Et encore, tout cela ne sera que les premières répliques d’un tremblement de terre qui a eu lieu ce dimanche soir où la droite dans l’opposition est devenue encore plus anxiogène que lorsqu’elle était au pouvoir.
Bravo l’artiste.
*Photo : UMP.
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