Dans L’épopée coloniale allemande, Sylvain Roussillon nous raconte la colonisation allemande dont le glas sonnera avec la défaite de 1918.
Il aura fallu trois décennies pour que l’Allemagne des Hohenzollern se taille une part du lion en Afrique, en Asie ou même en Océanie avant de perdre subitement toutes ses possessions au profit de la France, de la Belgique ou encore du Royaume-Uni à la fin de la Première guerre mondiale.
Chapitre méconnu de l’histoire prussienne, c’est ce sujet exotique que Sylvain Roussillon aborde dans son dernier ouvrage, L’épopée coloniale allemande, paru aux éditions Via Romana. À travers 270 pages, ce passionné d’histoire nous entraîne sur les chemins d’une aventure expansionniste, rarement explorée et qui aborde pourtant de multiples thématiques (politique, diplomatique, économique, militaire ou encore culturelle).
Vers l’Afrique de l’Ouest
Conférence de Berlin, 1885. Réunie sous l’égide du chancelier Otto von Bismarck, c’est à coup de règle que les puissances européennes vont finaliser le partage du continent africain. Il s’agit pour les Hohenzollern de faire reconnaître leurs colonies d’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique orientale et du Sud-ouest africain comme partie intégrante du nouveau Reich baptisé sur les cendres du Second empire français.
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La signature de différents traités sonne comme une revanche pour l’Allemagne qui n’a pourtant pas attendu ce siècle pour se lancer dans l’aventure coloniale. Sylvain Roussillon nous plonge dès les premières pages dans les balbutiements de l’aventure allemande « proto-coloniale » qu’il décrit avec minutie et dont le projet sera voué à l’échec, faute « d’unité politique et de moyens suffisants » pour la réaliser. Le colonialisme allemand est autant une affaire politique que commerciale avec ses personnages hauts en couleur comme Adolf Lüderitz ou encore von Lettow-Vorbeck. Togo, Cameroun, Rwanda, Burundi, Tanzanie et Namibie… autant de pays qui ont composé et porté le casque à pointe de la Deutsch Ostafrika qui va rivaliser avec ses consœurs asiatiques et océaniennes.
Diplomatie de la canonnière
Guillaume II se méfiait du « péril jaune ». À l’image de son empire, Berlin privilégie la « diplomatie de la canonnière » pour s’imposer en Extrême-Orient et se retrouve au cœur de la guerre des Boxers, cette secte chinoise qui entend rejeter à la mer tous ces « diables blancs » qui menacent la monarchie céleste des Qing. Sylvain Roussillon nous renvoie à notre imaginaire et nous fait pénétrer dans cette guerre larvée que l’Allemagne impériale se livre avec le Japon pour le contrôle des ports. Un épisode qui sera à l’origine du ralliement surprenant du Mikado aux Alliés lors de la Première guerre mondiale. Le conflit va sonner la fin du rêve colonial allemand.
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Aucune colonie du Kaiser n’est épargnée par cette guerre fratricide qui se déroule aussi bien sur les mers que dans les territoires contrôlés par une Prusse guerrière. Des cartes militaires nous permettent de suivre les différentes batailles qui vont sceller doucement mais inéluctablement le destin de l’empire allemand outre-mer. Résistance désespérée en Nouvelle-Guinée, on se passionne à l’évocation d’Hermann Detzner qui va mener sa guerre personnelle avec son bataillon, les « Papous du Kaiser », une expédition qui pourrait figurer en bonne place dans l’émission « Man versus wild » tant les ingrédients sont tous rassemblés.
De ce roman colonial, il ne reste hélas que « des sentiments de honte et de culpabilité » et des noms de rues qui sont débaptisées sous la pression de partis politiques qui imposent une culture de repentance.
L’épopée coloniale allemande de Sylvain Roussillon. Editions via Romana.