Les craintes de l’Élysée et du gouvernement étaient justifiées. Une deuxième tribune de militaires, anonyme cette fois, a été publiée.
Depuis la publication en avril d’un texte signé par 20 généraux intitulé « Pour un retour de l’honneur de nos gouvernants », l’exécutif n’avait qu’une peur : que le texte initial connaisse une suite, et que des militaires d’active se joignent aux récriminations de leurs aînés. Le premier texte avait provoqué une violente polémique, d’autant que la candidate Marine Le Pen s’était empressée de soutenir la démarche…
L’exécutif embarrassé
Toujours relayé par le site de Valeurs actuelles, et émanant de militaires d’active, un nouveau texte virulent est publié. Il prend la défense des militaires de la première tribune. À l’heure où Causeur écrit ces lignes, il a déjà été signé par plus de 160 000 personnes sur le site de l’hebdomadaire. Le cauchemar de l’exécutif !
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Il faut bien dire que le gouvernement n’a pas été particulièrement habile. Florence Parly, ministre des Armées, avait annoncé des sanctions contre les militaires en retraite signataires du premier texte, tenus selon elle à l’obligation de réserve. À la radio, la secrétaire d’État Agnès Panier-Runacher avait de son côté détourné les propos du Général de Gaulle et fustigé un quarteron de généraux « en charentaises » ! Il n’est pas certain que la tactique du gouvernement ait été particulièrement judicieuse, alors qu’un sondage Harris démontrait rapidement que six Français sur 10 soutenaient l’initiative des militaires.
Visible déchéance
La tribune de soutien publiée ce jour prend la défense des lanceurs d’alerte initiaux, et évoque pour cela notre devise nationale la Marseillaise. Les militaires signataires postulent que le gouvernement a fustigé des messagers, pour ne pas entendre le message, et que leurs aînés ont ainsi été « salis ». Dans ce texte adressé au président de la République, aux membres du gouvernement et aux parlementaires, on peut lire: « Nos aînés, ce sont des combattants qui ont mérité qu’on les respecte. Ce sont par exemple les vieux soldats dont vous avez piétiné l’honneur ces dernières semaines (…) » Avant d’ajouter : « Ces gens qui ont lutté contre tous les ennemis de la France, vous les avez traités de factieux, alors que leur seul tort est d’aimer leur pays et de pleurer sa visible déchéance. Dans ces conditions, c’est à nous qui sommes récemment entrés dans la carrière, d’entrer dans l’arène pour avoir simplement l’honneur d’y dire la vérité. »
Le constat de la première tribune sur le délitement du pays est repris et le nouveau texte confirme la crainte d’affrontements à venir sur le sol français si rien n’était fait pour régler les problèmes civils. Les signataires, anonymes, disent voir eux aussi,une inquiétante flambée de la violence en France qui, si elle n’était pas enrayée, pourrait déboucher sur une guerre civile. Laquelle « couve » dans le pays, selon eux. Ils affirment: « Oui, nos aînés ont raison sur le fond de leur texte, dans sa totalité. Nous voyons la violence dans nos villes et villages. Nous voyons le communautarisme s’installer dans l’espace public, dans le débat public. Nous voyons la haine de la France et de son histoire devenir la norme. »
Personne ne peut vouloir d’une situation aussi terrible
Le gouvernement a estimé que les signataires de la première pétition étaient des factieux d’extrème-droite ? La nouvelle tribune s’inscrit en faux : « Oui, si une guerre civile éclate, l’armée maintiendra l’ordre sur son propre sol, parce qu’on le lui demandera. C’est même la définition de la guerre civile. Personne ne peut vouloir une situation aussi terrible, nos aînés pas plus que nous, mais oui, de nouveau, la guerre civile couve en France et vous le savez parfaitement. » Le texte conclut sur un ton un peu sentencieux : « Agissez, Mesdames et Messieurs. Il ne s’agit pas, cette fois, d’émotion sur commande, de formules toutes faites ou de médiatisation. Il ne s’agit pas de prolonger vos mandats ou d’en conquérir d’autres. Il s’agit de la survie de notre pays, de votre pays. »
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Fustigeant cette nouvelle incartade de la troupe au micro de RMC ce matin, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a minimisé l’événement et a fustigé les réseaux sociaux et les emballements qui leur seraient propres : « Quelle drôle de société courageuse que celle qui donne la parole à des anonymes, on se croirait sur les réseaux sociaux ! C’est ça le courage ? » Agacé, le ministre a ajouté que quand on voulait faire de la politique, on se présentait aux élections. Devant les journalistes, lundi soir, Florence Parly a dénoncé une machination politique, une « rhétorique d’extrême droite » et une tribune anonyme qui « enfonce des portes ouvertes ».
Le thème de la sécurité au cœur de la future campagne électorale
Cette tribune est publiée alors que certains militaires n’ont toujours pas digéré l’éviction de Pierre de Villiers en 2017. On pourrait y voir un certain ressentiment.
Les militaires dénoncent les désordres propres à la société française, mais s’il y a bien un domaine où le désordre n’est pas permis, c’est l’armée.
Aussi, après la crise du coronavirus, alors que la campagne électorale va débuter et que le thème de la sécurité pourrait en constituer un des éléments majeurs, Emmanuel Macron pourrait avoir besoin d’un petit remaniement pour disposer d’un gouvernement plus martial. Si cette situation de crise tout à fait inédite n’est pas rapidement aplanie, comment ne pas envisager dès lors le départ de Florence Parly du gouvernement, fusible évident si la troupe n’est plus tenue ?