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Mariage gay : le nouvel ordre moral


Les yeux humides de bons sentiments, le gouvernement veut faire passer pour un progrès le mariage sans distinction de sexe, reléguant dans les oubliettes les notions forcément réactionnaires de père et de mère au profit du « parent ».

Il se trouve que je suis homosexuel et totalement opposé à réforme. J’aurai bientôt cinquante ans. Un âge canonique aux yeux du jeunisme triomphant, qui me fera jeter dans les rebuts de la modernité par les nervis du militantisme gay. Je ne participe pas aux Gay Prides, par aversion envers leur communautarisme moutonnier et exhibitionniste. Je trouve fasciste l’intimidation communautariste selon laquelle « puisque je suis homo, je devrais penser ceci et voter cela ». Ce type de catégorisation nie ma spécificité d’être humain autonome et complexe, et utilise les mêmes méthodes que, mettons, les salafistes envers les musulmans respectueux de la laïcité.

Ce dont je suis fier, ce n’est pas d’être égal aux autres, c’est précisément de ma singularité, au sein de laquelle j’ai appris à grandir, à devenir adulte. Comment peut-on à la fois être fier de sa différence tout en la niant l’instant d’après par passion de l’égalité ? En me forçant à entrer dans un cadre ontologique indifférencié, la loi sur le mariage homosexuel me fait violence. Je me sens floué, volé dans ma différence, violé dans mon histoire, nié dans mon combat pour l’assumer et pour imposer le respect.

Et puis, je trouve suspecte cette sacralisation du couple comme l’horizon ultime de la modernité et du bonheur sur terre. N’y aurait-il pas là une forme de mythologie de substitution, notre société ayant aboli toute transcendance religieuse ? À notre époque, le couple est devenu l’ultime dépassement, dans la mesure où le seul horizon pour l’homme est désormais le bonheur ici et maintenant. Mais puisque le mariage sera bientôt ouvert à tous, une injonction pèsera sur les épaules des célibataires, comme au bon vieux dix-neuvième siècle. S’ils ne se casent pas, ils feront partie des castes inférieures, en tant que losers du bonheur obligatoire. Que deviendront les figures réfractaires à ce bonheur conformiste et petit-bourgeois ? Seront-elles les nouveaux parias ? Quel progrès, vraiment ! Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que le mariage change de nature aux yeux des progressistes autoproclamés. Depuis mon enfance, ils crachent sur cette institution, au nom de la liberté sexuelle et du combat contre les structures sociales traditionnelles. Au fond, ils n’ont pas changé : plutôt que d’abolir le mariage, ils le tuent en le dénaturant.

Derrière cette passion égalitaire et indifférenciatrice, in fine, se dessine une idéologie qui me paraît bien plus sinistre. Celle qui organise la mort des repères structurants de notre société, au profit d’un Etat-nounou, ordonnateur de notre intimité, « parent » au-dessus de tous les parents. Mais un parent pervers, qui au lieu de faire de nous des citoyens libres, infantilise la société tout entière et s’institue alpha et omega de nos désirs, de nos vies.



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est salarié dans le privé, résidant à Paris. Sans appartenance associative ni politique, il se définit comme un citoyen épris de débat.

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