Le chef du parti, Christian Jacob vient d’annoncer le retrait de l’investiture LR au président sortant de la région Renaud Muselier. Dès lors, qui sera au début de l’été le prochain président de la région Sud (jadis PACA), à Marseille? S’il est particulièrement difficile de répondre ce matin à cette question, il est en revanche plus que probable que ces élections seront une répétition générale de la présidentielle, un an plus tard. Analyse.
Récapitulons. En décembre 2015, les listes emmenées par Christian Estrosi, au titre de LR, parviennent au deuxième tour à l’emporter sur celles se réclamant de Marion Maréchal, candidate FN. Christian Estrosi est alors élu président de région, et remet ses fonctions de maire de Nice à son premier adjoint.
Marion Maréchal à 42% en 2015
Malgré un score défavorable à l’issue du premier tour (26% contre 42% à Marion Maréchal), cette victoire de Christian Estrosi a été le fruit d’une campagne acharnée de l’ancien ministre, conjuguée à sa capacité de rassembler dans la semaine qui a précédé le second tour. La gauche va, non pas seulement se désister, mais se sacrifier en se retirant, alors qu’elle détenait la région. Christophe Castaner y gagne quelques galons.
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Lors de la campagne présidentielle de 2017, à quelques encablures du premier tour, Christian Estrosi reçoit ostensiblement le candidat Emmanuel Macron à l’Hôtel de région de Marseille. Les frictions entre le maire de Nice et le candidat LR François Fillon ont été nombreuses, et cet épisode marque un peu plus encore leur éloignement. Une fois élu président de la République, Emmanuel Macron n’oublie pas le geste d’Estrosi. Le compagnonnage politique a pour conséquence de suspendre les velléités locales d’une liste de La République en Marche à Nice contre le maire sortant, qui est réélu pour un troisième mandat. Entre temps, Renaud Muselier a succédé à la présidence de région à Estrosi, qui décide de retrouver la mairie de Nice. Traumatisée par l’attentat, la ville a besoin d’un leadership fort. Et c’est peut-être çà – le fait que Muselier n’a pas été élu en 2015, qui est au fond de la crise actuelle.
Estrosi roulerait pour Macron ?
Éric Ciotti, vigilant gardien du temple LR, renonce ensuite à affronter aux municipales Estrosi – dont il a été l’attaché parlementaire, le directeur de cabinet, le premier adjoint à la ville et le successeur à la présidence du Conseil général des Alpes-Maritimes. Il soupçonne son ancien mentor de « rouler » pour Macron aux prochaines présidentielles, ce qu’Estrosi vient de confirmer en proposant de passer un pacte de raison avec le chef de l’Etat pour 2022. La relation, tendue, s’apaise néanmoins entre eux pendant la crise du Covid et le temps de faire face ensemble aux effets de la catastrophe naturelle qui a frappé la région à l’automne. Et sans doute le soutien d’Estrosi à la candidature de François-Xavier Bellamy aux européennes l’année dernière a contribué aussi à cet apaisement. La relation est à nouveau dégradée à l’approche des élections régionales, encore en raison de la perspective des présidentielles.
Fin de semaine dernière, la situation a été passablement compliquée. Les sondages donnent en tête les listes RN conduites par Thierry Mariani, ancien du RPR et de l’UMP, qui n’appartient pas formellement au RN. Face à lui, le président de région Muselier a obtenu l’investiture de LR, alors que ce mouvement ne compte en aucune manière autoriser une alliance, au premier tour des régionales, avec LREM.
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Troisième acteur de ce psychodrame, la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel a décidé, avec l’aval du mouvement présidentiel, de présenter une liste LREM. Assurée, dans ce contexte, face au risque d’une victoire du RN, que le Premier ministre, chef de la majorité, autoriserait le retrait de cette liste et une fusion, dès le premier tour, avec les listes conduites par le président sortant Renaud Muselier. Les Républicains réagissent immédiatement en retirant l’investiture de ce dernier.
David Lisnard ajoute à la cacophonie
Le maire LR de Cannes, David Lisnard, accompagné de quelques élus locaux et parlementaires du parti en région, ira-t-il, comme il l’évoque, jusqu’à établir et présenter une liste concurrente de celle de Renaud Muselier, qu’il présente comme étant celle de LREM ?
Quoi qu’il décide, la question est de savoir qui porterait la responsabilité d’une défaite face au RN, alors que les sondages donnent Renaud Muselier vainqueur si, et seulement si, une fusion est opérée dès le départ avec la liste Cluzel. Or c’est précisément ce que refuse, réfute et condamne LR par la voie de son président Christian Jacob.
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Thierry Mariani, non encarté RN, préfigure-t-il une Marine Le Pen candidate à la présidence de la République quittant les responsabilités au sein de son parti pour rassembler largement ?
L’alliance du sortant LR avec LREM annonce-t-elle des déchirements durables à droite, dont les responsables nationaux sont désireux de voir le chef de l’Etat battu en mai 2022, sans avoir encore trouvé de candidat susceptible de l’emporter ?
Ou bien assistons-nous à une grande redistribution des cartes qui aboutirait à une nouvelle formation portant la candidature d’Emmanuel Macron, et réunissant des parties entières de LREM et de LR ? Serait-ce une nouvelle version de la phrase du prince de Lampedusa, dans Le Guépard : « Il faut que tout change, pour que rien ne change » ? Pas sûr. La chute des anciennes grandes formations politiques et la montée des alliances expriment au contraire la difficile adaptation de l’offre politique à la mutation profonde de notre sociologie politique, c’est-à-dire à « la demande ». Ainsi quoi qu’il arrive dans le sud de la France, oui, ce sont bien les présidentielles de 2022 qui sont en jeu et peut-être aussi les compositions des gouvernements Macron à venir avant et après cette échéance…