Deux siècles après sa mort, Napoléon gêne l’État qu’il a façonné et le pays qu’il a couvert de gloire. Ses accusateurs réduisent son extraordinaire épopée au rétablissement de l’esclavage. Mais aucune grandeur humaine n’est née dans la pureté. Le président, paraît-il, sera au rendez-vous du 5 mai : il commémorera l’Empereur. Son audace ira-t-elle jusqu’à le célébrer ?
C’est l’ultime guerre napoléonienne. Et c’est une guerre civile : celle que nous nous livrons depuis une quinzaine d’années autour de la dépouille, ou plutôt de la statue de l’Empereur, victime de la cancel culture avant la lettre, et que cette année de bicentenaire a rallumée. La France va-t-elle abjurer son passé ou s’en faire gloire, se soumettre à une moralisation rétroactive annonçant la normalisation, ou assumer ses rêves de grandeur passée, voire renouer avec eux – mais, cette fois sans envahir l’Italie, comme le conclut drôlement Éric Zemmour dans l’entretien qu’il nous a accordé ?
On ne s’en étonnera pas, à cette question, l’Élysée a donné une réponse mi-chèvre, mi-chou : on ne célébrera pas – comme dit Jean-Louis Debré, cela serait ressenti comme une provocation –, on commémorera. Nuance. « Célébrer nous oblige à tout endosser, commémorer ouvre le champ du débat », résume un connaisseur du dossier. À l’Élysée, le « pôle régalien », qui se confond plus ou moins avec « la bande à Brigitte », ne ménage pas ses efforts pour faire resplendir la face républicaine du macronisme, face aux diplomates et aux cultureux qui s’emploient au contraire à flatter ses penchants multiculturalistes. Les membres de ce cénacle choisi se félicitent de leur victoire : le président, c’est juré, sera au rendez-vous du 5 mai. Peut-être pas à Saint-Louis-des-Invalides (qu’il laisserait aux napoléoniens estampillés), mais certainement à la Grande Halle de La Villette pour l’exposition, dont l’ouverture est programmée le 14 avril, et, laisse-t-on entendre, dans un
