Niagara d’Henry Hathaway faisait naître en 1953 la légende de Marylin Monroe
Niagara d’Henry Hathaway est un film noir atypique pour deux raisons. Il est d’abord tourné dans un technicolor flamboyant et il s’agit ensuite d’une histoire d’amour bouleversante. Le cinéaste utilise une palette de couleurs saturées très évocatrices : les chemisiers, robes carmin ou bleue, tailleurs et rouge à lèvres pourpre de Marilyn sont fort révélateurs. Mais Hathaway travaille, habilement, ces lumières très contrastées de la même manière que le noir et blanc dans les polars expressionnistes des années quarante et cinquante, contemporains de Niagara.
En 1953, Marilyn Monroe n’est pas encore reconnue comme une star et un sex-symbol mais son apparition au début du film, nue, couchée dans son lit, fumant une cigarette de manière provocante puis ses déhanchements lascifs focalisent le regard du spectateur et vont la révéler comme une actrice de premier plan au jeu déjà très élaboré.
Hathaway est aussi un grand cinéaste du déplacement. Il organise dans Niagara, avec précision et minutie, le ballet des personnages dans les rues de la ville et le long du fleuve, ce qui contribue à créer un film tout entier tendu vers la tragédie.
Puissance érotique
On comprend tout de suite que Rose Loomis jouée par Marylin, femme à la plastique somptueuse, est une amante dont la puissance érotique n’a rien à envier à la fureur des trombes d’eau furieuses des chutes du Niagara. Le cinéaste conjugue avec une grande habileté sexualité ruisselante et violence naturelle du fleuve dans une métaphore filée tout au long du film. La scène où Marilyn, chante la célèbre et langoureuse chanson Kiss, est un de ces grands moments cinéphiliques où l’érotisme parvient à subvertir la morale hollywoodienne.
Marié à Rose, George Loomis (impeccable Joseph Cotten) au visage taillé à la serpe, tourmenté et ravagé par la jalousie est seul sur la plupart des plans comme si son épouse demeurait insaisissable. Les éléments du drame sont installés. Mais l’intelligence de Henry Hathaway et de son scénariste Charles Brackett est d’avoir introduit dès le début du film le deuxième couple de cette histoire cruelle, Polly et Ray Cutler, de banals touristes américains venant passer leur lune de miel dans un motel au pied des chutes, côté canadien.
À lire aussi: Tant qu’il y aura des DVD
C’est ce couple auquel les spectateurs s’identifient, c’est au travers de leur regard que nous assistons au drame de la jalousie qui se déroule sous leurs yeux. Un couple heureux même si Hathaway instille le soupçon : leur amour est-il vraiment plus solide, plus fort que celui des Loomis ? On retrouve un Hathaway moraliste qui questionne de manière implicite les contours de la fidélité conjugale.
Dans cet univers de forces sexuelles telluriques, de violences physiques avec l’omniprésence sonore et angoissante des chutes du Niagara, il apparaît que la véritable héroïne est Polly, angoissée par la tournure que prennent les évènements quand elle se trouve face à la montée des forces du désir et du péché.
Lorsqu’elle est embarquée de force sur le bateau par George Loomis dans la scène finale, l’érotisme change brutalement de camp. Polly incarne soudain la beauté, le désir et la jouissance alors que Rose, la femme fatale, apparait dans toute sa trop évidence amoralité. Il fallait bien l’intelligence d’une Marylin Monroe pour incarner cette paradoxale défaite.
Niagara un film d’Henry Hathaway
États-Unis – 1953 – 1h26
Interprétation: Marilyn Monroe, Joseph Cotten, Jean Peters, Max Showalter, Denis O’Dea, Richard Allan…
A voir en replay sur Arte ou en DVD (Twentieth Century Fox)