Le billet du vaurien
Arthur Schnitzler disait du Viennois qu’il avait un flair particulier pour détecter le grotesque dans le pathétique et le ridicule dans l’excessive affirmation de soi. J’ai trouvé cet héritage viennois dans mon berceau. Est-ce de ma mère que j’ai hérité ce mélange de nostalgie et de snobisme, de mélancolie et de dérision , d’hypocondrie et de sensualité si caractéristiques du génie viennois ?
Mon côté « Amiel », en revanche est plus évident: puritanisme, austérité, goût pour l’introspection et la pédagogie. Certitude surtout que le plaisir est doublement illusoire: non seulement, il se paie au prix fort, mais encore il trahit toujours ses promesses. C’est tout au moins la leçon que j’ai retenue de mon père.
Un double héritage
Avec Schnitzler, même si tout est foutu, il faut encore se distraire avec des grisettes et des artistes dans un café. Avec Amiel, les autres vous pèsent et on n’envisage pas d’autre moyen de tuer le temps que de ressasser ses maux avec le désir plus ou moins avoué qu’ils empirent et vous emportent.
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Force m’est de l’avouer: sans ce double héritage, j’aurais été bien démuni. Je me garderai bien cependant de le transmettre à quiconque, par égoïsme certes, mais aussi parce que l’époque ne s’y prête plus : Arthur Schnitzler et Henri-Frédéric Amiel ont sombré avec ce qu’il était convenu d’appeler la culture européenne. Et moi avec eux.
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