La Chine et le Qatar font face à des menaces de boycott. Mais seul le Qatar doit vraiment s’inquiéter.
Les deux plus grands événements sportifs mondiaux de l’année 2022, la Coupe du monde de football organisée par la FIFA à Doha et les JO d’hiver prévus à Pékin, sont confrontés à des menaces de boycott. Lors des matchs des qualifications pour la Coupe du monde qui ont débuté la semaine dernière, les joueurs de trois équipes européennes ont saisi l’occasion pour protester contre la tenue du tournoi au Qatar. Ainsi les joueurs néerlandais ont porté des maillots avec la mention « Le football soutient le changement », ceux de la Norvège ont enfilé des maillots portant la mention « Droits de l’homme sur le terrain et en dehors » et enfin sur les maillots des joueurs de la Manschaft d’Allemagne on pouvait lire « Droits de l’homme. »
Doha très sensible à ce qui se dit en Europe
Pour ce qui concerne le Qatar, il semble que la pression – qui n’a pas commencé avec ces matchs de qualifications – porte ses fruits. Ainsi le royaume du Golfe, qui s’est vu reprocher les mauvaises conditions dans lesquelles vivaient et travaillaient les migrants employés dans les multiples chantiers du tournoi, a introduit un certain nombre de réformes. Plus généralement, Doha donne des gages et se montre très sensible à ce qui est dit et écrit notamment en Europe. Au-delà des manifestations comme celles mentionnées plus haut, les menaces de boycott – essentiellement de la part de quelques clubs norvégiens – ne créent pas une dynamique dans ce sens, sans doute à cause de l’ouverture des Qataris à la critique et de leurs efforts pour améliorer leur bilan.
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Pour ce qui concerne les Jeux olympiques d’hiver de 2022, c’est une autre paire de manches. Des appels au boycott de l’événement à Pékin sont lancés essentiellement par des groupes de défense des droits de l’homme et des politiques, plutôt que par les athlètes eux-mêmes. C’est bien normal. Sociologiquement et économiquement, les sports d’hiver ne créent pas des stars jouissant de positions permettant une marge de manœuvre personnelle. Il faut de l’argent et de la notoriété pour prendre de tels risques. Et même pour ceux qui tiennent ces positions, ce n’est pas facile. C’est ce qu’a appris la star allemande du football Mesut Özil. En 2019, portant alors le maillot du club anglais d’Arsenal, il a publié un tweet condamnant la répression des musulmans ouïghours par la Chine. La réaction chinoise a été brutale : la télévision d’État chinoise a annulé la diffusion du prochain match d’Arsenal, et a ensuite refusé de mentionner le nom d’Özil à l’antenne. Résultat, avec ou sans lien avec cet incident, Özil ne fait plus partie des « Gunners ».
Puissance de feu chinoise
À peu près à la même période, Daryl Morey, le directeur général de l’équipe de basketball des Houston Rockets, a publié un tweet de soutien aux manifestants de Hong-Kong somme toute assez tiède : « Un message de soutien envers Hong Kong, pour une politique pro-démocratique ». La réaction chinoise a été là aussi dévastatrice. La CBA (ligue nationale de basket en Chine) a décidé de couper ses liens de coopération avec les Rockets, plusieurs marques de sport ont immédiatement cessé toute coopération avec la franchise et finalement Tencent, le diffuseur officiel de la NBA en Chine, a suspendu toute diffusion de match des Rockets pour la saison à venir.
Face à la puissance de feu de la Chine et surtout à la mobilisation chinoise sans faille, les mouvements de boycott des JO de 2022 visent les partenaires, appelés à se retirer, et les grandes marques, appelées à s’abstenir de faire de la publicité pendant les jeux afin de priver les organisateurs de leurs recettes.
Ainsi, nous sommes aujourd’hui face à une situation ubuesque. Sans entrer dans le débat philosophique sur le boycott, nous avons d’un côté la Chine, imperméable à la critique, qui va probablement arriver à ses buts grâce à l’emploi de sa puissance économique et diplomatique, et de l’autre, le Qatar, plutôt coopératif et sensible aux reproches qui lui ont été adressées, qui risque de voir l’évènement qu’il organise gâché. Pire encore, Doha pourrait payer le prix de la frustration : ceux qui n’arrivent pas à faire bouger la Chine vont s’acharner sur le Qatar.
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