La surprenante passivité de l’opposition interroge. De plus, Nicolas Sarkozy laisse entendre qu’il pourrait soutenir Emmanuel Macron à la prochaine présidentielle. Philippe Bilger fait le point sur les rumeurs, chuchotements et coups fourrés à droite…
Le RN n’obsède pas que le pouvoir. J’ai eu beau parler et écrire, depuis des années, sur mon inaltérable distance politique d’avec le FN puis le RN, rien n’y fait. Des commentateurs ou des intervenants sur Twitter continuent à m’accuser du contraire et montrent à quel point on préfère ses préjugés à la vérité.
La vérité est que je suis beaucoup plus intéressé par le sort du président Macron et la destinée de LR.
Ce dernier parti ne cesse de m’inquiéter, je trouve que ses desseins sont obscurs et impénétrables et qu’il y a un certain nombre d’éléments qui pourraient nous laisser penser qu’il y a anguille sous roche, dissimulation sous l’apparence.
LR est tétanisé au point qu’on est conduit à se demander si un tel niveau d’impuissance ne résulte pas d’un dessein.
Comme si on cherchait à démontrer que le RN est le seul parti d’opposition au pouvoir macroniste. Il n’est pas concevable que, derrière les contradictions classiques et répétitives, il n’y ait pas eu une authentique mise en pièces de cette prétendue politique de droite astucieusement exhibée pour faire oublier tout ce qu’il y a encore de gauche dans l’appréhension des problématiques les plus préoccupantes pour les Français : immigration, sécurité et Justice.
Bizarre de constater avec quelle résignation la hiérarchie opératoire de LR accueille les annonces répétées de la mort du parti, en tout cas de sa longue agonie. Comme si le mourant avait peur de se retrouver bien-portant !
Sous la présidence de Christian Jacob, le combat d’opposition, de résistance et de proposition qui aurait dû être essentiel a été stérilisé par celui-ci et ses soutiens, à cause de la focalisation entêtée sur la candidature de François Baroin ou le retour, plus que jamais improbable, de Nicolas Sarkozy. Ce qui, durant des mois, a néantisé toute perspective de pugnacité politique. À se demander si la droite savait encore qu’elle existait.
Surprenante passivité.
Si Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises a coupé court au désir de certains de le voir revenir, l’attitude de François Baroin est plus étrange. On nous a dit qu’il avait décidé de ne pas se présenter malgré le forcing de son ami Christian Jacob. Mais restant silencieux, il n’a lui-même jamais confirmé explicitement son abandon. Donc il y a du flou.
Par ailleurs je n’ai cessé de m’étonner de la course de lenteur à l’évidence organisée et voulue par la nomenklatura LR. On a reculé le plus possible la date de ce qui devra bien être une opération de départage, ou une primaire si j’ose ce terme – qui a été dégradé seulement dans les suites de la victoire éclatante de François Fillon.
Cette sélection par les militants et les sympathisants sera inévitable puisqu’il est peu probable qu’un candidat ait tellement le vent en poupe qu’il devienne une évidence. Même Xavier Bertrand ancré dans sa résolution et tactiquement proche, tout proche de LR !
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Comment ne pas relier cette mauvaise volonté de l’appareil officiel LR à l’obsession de freiner autant que possible Bruno Retailleau, ce « catholique vendéen » qu’on traite avec d’autant plus de condescendance qu’il est clairement de droite, ne s’en repent pas et de plus est placé en tête largement dans tous les sondages officieux internes ? À son égard tout semble permis, même la critique de son apparence ! On vole bas pour l’empêcher de voler haut !
Il est difficile, face à une telle configuration manifestant le peu d’empressement de LR à se battre sous un pavillon clair et net, de ne pas relever au sein de ce parti une singulière dérive vers le social – dans le débat par exemple entre Aurélien Pradié (qui ne supporte pas Retailleau) et Jean-Louis Thiériot. Que la droite n’oublie pas la veine sociale est souhaitable mais pas au point d’en faire un ersatz de gauche comme le premier semble le vouloir, sauf à dissoudre encore davantage son identité et les exigences de liberté et de responsabilité qui devraient la caractériser.
Peut-on ignorer aussi que la date des élections départementales et régionales prévue en juin pourrait être reportée à l’initiative d’un président qui pourra ainsi jouer sur une large palette opportuniste pour entraver des adversaires affichés (Bertrand) ou possibles (Valérie Pécresse) ?
L’ensemble des considérations que je viens de développer montre pour le moins que la stratégie de LR n’est pas limpide, qu’elle oscille, qu’elle est poussée d’un côté ou de d’autre et qu’elle désespère ceux qui attendent une opposition intelligente, univoque, cohérente et fière de ce qu’elle représente. On en est loin.
Dans le dos des citoyens se déroulent, j’en suis sûr, des manoeuvres et se mettent en place des combinaisons qui, les unes et les autres, ne seraient pas à l’honneur de la droite.
On n’a pas assez relevé cette interrogation du JDD, toujours si bien informé dans et sur la mouvance sarkozyste, laissant entendre que l’ancien président, dont la complicité avec Emmanuel Macron, même avec des failles, est certaine et exploitée par ce dernier, pourrait voter en 2022 en faveur de celui-ci. Ce serait certes un coup de tonnerre mais serait-il si surprenant au regard de l’étrange rapport que LR entretient avec le pouvoir actuel, qu’au fond il conteste en le ménageant ?
Des bruits plausibles me reviennent – Luc Ferry les a entendus aussi – qui concerneraient le soutien qu’apporterait LR au président de la République en échange d’un poste de Premier ministre, et le nom de François Baroin réapparaît. Ou celui d’autres compatibles.
Ce n’est pas une fantasmagorie puisque l’homme d’influence qu’est demeuré Nicolas Sarkozy avec ses dilections, sympathies et répugnances ne serait vraisemblablement pas hostile à une telle évolution constituant la droite telle une annexe du macronisme.
Sur le plan démocratique, si un tel futur se confirmait, nul doute alors que le RN en profiterait, ou la gauche si elle s’unit, parce que rien ne serait plus insupportable que sortir d’un quinquennat n’ayant rien « dépassé », en poussant au comble la confusion politique.
LR aurait à rendre des comptes à ceux qu’elle aurait trahis.
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