Accueil Politique Mélenchon, piège à «non» !

Mélenchon, piège à «non» !


Mélenchon, piège à «non» !

Jean-Luc Mélenchon contre le traité budgétaire européen

Tout d’abord, soyons clairs, je pense que les dizaines de milliers de Français qui se rassembleront cet après-midi à la Bastille ont parfaitement raison de le faire.

Je partage leur objectif, leurs motivations, leur mécontentement. La majorité actuelle nous avait promis-juré-craché, quand elle était encore l’opposition, c’est-à-dire il y a à peine quelques mois, que le « Traité Merkozy » étant une machine de guerre contre la relance et l’emploi, il était à réécrire totalement. En vertu de quoi, une fois aux affaires, les socialistes se sont empressés de le voter « en l’état, à la virgule près », comme l’a fait remarquer perfidement et pertinemment NKM. (Au passage, constater qu’on laisse à cette insupportable le soin de rappeler la vérité ne fait qu’exaspérer mon exaspération)

Sur le fond, donc pas de lézard, je suis d’accord : pour sortir de l’ornière, notre pays n’a pas besoin d’un budget de bon père de famille radin et dénué d’ambition. Il a besoin d’investissements étatiques lourds et planifiés dans la recherche, les formations qualifiantes, la réindustrialisation, le réaménagement du territoire. Sinon, ce sera la muséification du pays sous l’œil amusé de nos voisins allemands, maitres absolus des cordons de la bourse de Francfort, donc de l’Europe.

Mais alors, me direz-vous, je devrais aller moi zaussi prendre la Bastille avec mes petits camarades. Oui mais non. Et cet abstentionnisme a un nom, il s’appelle Mélenchon.

Bien sûr, il n’est pas question, comme le font certains ultrapuristes, de reprocher à Mélenchon, en ce vingtième anniversaire du référendum sur Maastricht d’avoir à l’époque fait la campagne du Oui pour prôner aujourd’hui le Non. Tant qu’à faire je préfère ce cheminement-là à celui d’un Fillon, qui fut un vibrant noniste en 1992… Et la coquine Elisabeth me souffle à l’oreille que plus près de nous, en 2005, Laurent Fabius n’avait pas de moues assez dures pour fustiger le TCE et l’Europe du Grand Capital…

Non, ce qui motive ma décision c’est que ce défilé, qu’on le veuille ou non, ne mesurera pas le refus de ce Traité de cons[1. Cherchez bien, il y a un mauvais jeu de mots.] mais l’ampleur du soutien populaire à Mélenchon. Certes je sais bien que ce n’est pas pour cela que la plupart des militants descendront tout à l’heure dans la rue, mais qu’ils le veuillent ou non, tous les médias parlent déjà et parleront encore plus ce soir du nombre de militants défilant «avec Mélenchon ». Or un bon marxiste (et même un moyen bon) ne peut pas se soucier seulement de la justesse d’une idée. S’il ne veut pas sombrer dans l’idéalisme, il doit se préoccuper dans le même mouvement de la façon dont les masses (ou disons les ménagères de moins de cinquante ans et leurs familles) s’empareront de cette idée ou la percevront. Or, chers amis et camarades, ce qui restera ce soir, c’est bien moins le « contre le Traité » que le « avec Mélenchon » voire, comme le dit le Point.fr ce matin, « derrière Mélenchon ».

Or cette perspective, m’est esthétiquement insupportable. Je suis tombé tout jeune dans la lutte des classes, mais à un moment, où heureusement, on avait abandonné le culte de la personnalité. Dans les seventies, j’aimais beaucoup Georges Marchais, mais il ne me serait jamais venu à l’idée d’avoir son poster dans ma chambre. Les flux de l’Histoire m’ont évité de sanctifier Staline, Maurice Thorez ou Mao-Tsé-Toung, ce n’est pas pour défiler aujourd’hui à la Bastille « derrière Mélenchon » et encore moins y chanter à l’unisson ces vers bénis de l’Internationale : « Il n’est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun ».

On rappellera à quel point le denier raout du Front de Gauche en cette même place de la Bastille le 18 mars dernier, qui devait supposément promouvoir la VIème République, avait immédiatement dégénéré en Mélenchon show façon Cloclo haute époque avec portraits géants, cris d’hystérie, évanouissements et tout le tralala… Le pire étant bien sûr l’hypocrisie carabinée de notre Chavez en VF, rappelant à l’envi qu’il n’était qu’un militant parmi les militants…

Donc les amis, allez-y si vous voulez, mais sans moi : pour paraphraser un général célèbre, ce n’est pas à 53 ans que je vais commencer une carrière de zélateur.

Voilà pourquoi ce dimanche j’irai déjeuner avec mes parents. Et pour ce qui est de la manif, je m’en tiendrai à la formule bancale mais raisonnée du soutien sans participation.

*Photo : RemiJDN



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent La corrida disparaîtra mais ne se rend pas
Article suivant Thierry Dancourt, entre agacement et émerveillement
De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération