Au Royaume-Uni comme en France et en Amérique, la chasse aux statues racistes est ouverte. Vandalisme, déboulonnages, réécriture du passé… l’ampleur de l’iconoclasme a conduit le gouvernement Johnson à promulguer une nouvelle loi de protection du patrimoine. Il a aussi motivé la création de Save Our Statues (SOS).
Entre le Brexit et le Covid, on aurait pu penser que les Britanniques avaient assez de problèmes. Les antiracistes professionnels ont identifié un danger bien plus impérieux : les sculptures en ronde-bosse (posées sur un socle) de personnages historiques qui ornent l’espace public. Suite à la mort de George Floyd, des statues britanniques jusqu’ici sans histoires (si l’on peut dire), se sont mises à intimider les passants, comme autant de visages du racisme britannique. Ces héros de bronze offensaient les représentants des minorités ethniques. Pour pacifier le pays, il fallait d’urgence les faire disparaître. La chasse aux monuments problématiques est lancée à Bristol. Première bataille, première victoire. Le 6 juin 2020, une foule furieuse emmenée par le mouvement Black Lives Matter (BLM) s’en prend à la statue d’Edward Colston, lui attache une corde au cou, la traîne dans les rues pour aller la jeter dans les eaux du port. 15 000 manifestants applaudissent le geste émancipateur.
Qui est Edward Colston ? « Comme beaucoup, je n’en avais jamais entendu parler, répond l’historien Robert Tombs, auteur de The English and Their History[1]. Je connaissais le Colston Hall, salle de concert réputée à Bristol. J’ai appris que cet individu tombé dans l’oubli avait investi dans le commerce africain (essentiellement d’esclaves) et légué la majeure partie de sa fortune à sa ville natale (pour des écoles et autres). Il semble que Colston ait été un homme d’affaires avisé et peu sympathique, impliqué dans un commerce que la plupart des gens de l’époque trouvaient légitime. » Clayton Wildwoode, l’étudiant queer organisateur de la marche du 6 juin, a avoué dans la presse qu’une semaine avant les faits, il ignorait l’existence de cet esclavagiste. Solidaire de la population noire, il se félicitait néanmoins de ce nettoyage du patrimoine.
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Black Lives Matter ne s’en tient pas là. Esclavagistes, colonialistes, même engeance ! Les bombes de peinture réécrivent l’histoire in situ. À Londres, la statue de Churchill est défigurée par l’inscription « raciste ». À Leeds, Victoria (sacrée reine quatre ans après l’abolition de l’esclavage en Grande-Bretagne) est étiquetée « propriétaire d’esclaves », « assassin », « salope ». Et la classe politique, perplexe, d’exprimer sa solidarité avec BLM et sa lutte contre le racisme et la violence. Jusqu’aux hautes sphères européennes où l’impayable
