Comme souvent, Jacques Attali se plaint des conséquences d’un système qu’il a contribué à promouvoir.
Dans une tribune des Échos du 5 février (GameStop: après les fake news, la fake finance), Jacques Attali s’inquiète de l’influence grandissante des particuliers en bourse, après que ces derniers aient décidé de se coaliser contre un hedge fund (Melvin Capital) qui avait vendu le titre GameStop à découvert. Rappelons que la vente à découvert (short selling) est une technique financière consistant à emprunter un titre pour le vendre et le racheter plus bas afin de le rendre à son détenteur après avoir réalisé (dans le meilleur des cas) un bénéfice. Dans le cas contraire, si le titre s’envole, les pertes peuvent être illimitées car le short seller doit le racheter à n’importe quel prix.
Melvin Capital piégé par des boursicoteurs
C’est la mésaventure arrivée à Melvin Capital qui a dû racheter beaucoup plus haut le titre GameStop suite à l’achat massif d’investisseurs particuliers qui ont échangé leurs avis sur le forum Reddit. On ne peut donc sérieusement parler de « fake news » ni même de « fake finance », qui est plutôt l’apanage des investisseurs professionnels prêts à tout pour faire baisser un titre et précipiter la faillite d’une entreprise, allant même jusqu’à provoquer une crise financière (subprimes en 2008).
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Pour Jacques Attali cependant, le risque vient des investisseurs particuliers: « la finance devient une activité de masse grâce à l’émergence d’applications simples permettant à chacun d’acquérir des titres ». En effet, l’application de trading Robinhood permet de jouer en bourse à partir de son smartphone, sans frais. Les fondateurs de la plate-forme assurent même être « en mission pour démocratiser la finance ». Mais le conseiller politique y voit un danger: « cette alliance du digital et de la démocratisation ne pouvait que conduire, comme avec les médias, à l’émergence de grandes colères des petits contre les grands. » Peut-on pour autant parler de nouvelle lutte des classes? Il est possible qu’il existe une minorité d’investisseurs souhaitant exprimer leur colère, mais la grande majorité d’entre eux jouent en bourse pour une raison plus prosaïque : gagner de l’argent.
La bourse ubérisée?
Au fond, cette histoire boursière reste anecdotique. Pourtant, l’économiste parle de « ces lieux de rencontre » pouvant « saboter la confiance dans les marchés financiers » alors que le véritable risque ne vient pas de la fronde boursière menée par quelques particuliers contre des fonds spéculatifs, mais réside dans le déséquilibre financier créé et entretenu par les banques centrales qui manipulent les taux d’intérêt. Ainsi, les politiques monétaires de taux zéro pénalisent l’épargne, poussent les particuliers à rechercher davantage de rendement au prix d’un risque plus élevé, engendrent des bulles spéculatives, de l’endettement, et accroissent les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres.
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Comme souvent, Jacques Attali se plaint des conséquences d’un système qu’il a contribué à promouvoir. En effet, la flambée spéculative autour de GameStop est le produit de l’uberisation (appliquée à la finance) et de l’action des banques centrales. Si l’éditorialiste voyait dans l’uberisation une « anecdote dans la robotisation », rappelant qu’il ne fallait pas « verser dans une censure anti-technologie», il critique désormais la digitalisation de la finance. Enfin, l’économiste a contribué à la rédaction du traité de Maastricht posant les fondements de l’euro et instituant la Banque Centrale Européenne, alimentant par sa politique monétaire des déséquilibres et des bulles sur les actifs. Le sage devrait ainsi méditer la phrase de Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »
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