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Desproges serait « censuré » de nos jours? La réalité est plus triste…

Les humoristes de 2020 sont des pédagogues partisans


Desproges serait « censuré » de nos jours? La réalité est plus triste…
Pierre Desproges, 1982 © GINIES/SIPA Numéro de reportage : 00104172_000006

L’humoriste décédé en 88 ne serait pas interdit. Mais il ne serait plus compris


Initialement j’étais décidé à traiter ce thème qui m’intéresse depuis quelques jours: le refus de donner le nom de Samuel Paty à un collège d’Ollioules et, au lycée la Martinière-Duchère dans le 9e arrondissement de Lyon, le scandale d’un professeur insulté, par certains en langue étrangère, et agressé avec des pierres. Je voulais en tirer la conclusion que pour le pouvoir il est plus facile de donner des noms de victimes du terrorisme islamique que de faire régner l’ordre et l’autorité dans les écoles. Mais j’ai écouté Sud Radio qui, à son tour, dans l’excellente matinale du week-end animée par Philippe David, a organisé un débat sur la liberté d’expression en confrontant le dessinateur et caricaturiste Olivier Ranson et l’humoriste Tex.

Fini de rire

Depuis plusieurs semaines on compare hier avec aujourd’hui sur le plan du rire et généralement on convient que Coluche et Pierre Desproges, par exemple, dans le climat politique et médiatique actuel, seraient interdits et en tout cas feraient scandale. Je n’en suis pas sûr. Ou, plus exactement, ils susciteraient l’émoi pour tout autre chose que leurs transgressions affichées.

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Aujourd’hui, Pierre Desproges ne serait plus compris parce que le second degré fin, subtil, cultivé et intelligent a quasiment disparu. J’ai déjà écrit que le principal problème des humoristes de maintenant – trop partisans pour ce qu’ils veulent avoir de drôle – est de ne plus savoir nous faire rire.

Quand on écoute le fameux sketch de Pierre Desproges sur les Juifs qui, en substance, « se seraient glissés dans la salle » mais qui peuvent rester, qui « manifestent une certaine hostilité à l’égard du nazisme qui, il est vrai, a manqué d’empathie à leur égard »… on perçoit à quel point placer l’esprit de ces années sur le même plan que les saillies de maintenant n’a aucun sens. Il ne faut pas se demander si de nos jours Pierre Desproges pourrait faire rire mais plutôt pourquoi, sur certains de ses sujets, il ne le pourrait plus. Trop au-dessus de la ceinture quand on abuse du sous la ceinture !

Nous sommes devenus plus bêtes

Parce que notre monde, dans le registre du divertissement, est devenu plus bête, plus lourd, plus grossier, plus immédiat ; inapte à une compréhension qui saurait chercher derrière les mots la dénonciation qu’ils cachent et la dérision sarcastique.

Il paraît qu’une part non négligeable de ceux qui écoutent ce morceau d’anthologie manifestant le gouffre entre Desproges et nos histrions d’aujourd’hui considèrent qu’il charrie de l’antisémitisme ! Desproges ne brandit pas une pancarte, ne donne pas une leçon d’humanisme ostensible mais, parce qu’il est aux antipodes du racisme et de l’antisémitisme, fait rire, sans la moindre ambiguïté, de l’horreur sous-jacente à son humeur souriante et désinvolte. À supposer que Dieudonné ait prononcé les mêmes mots, il n’aurait pas eu ce second degré qui fait toute la différence !

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La politisation constante des comiques d’aujourd’hui, peu ou prou « progressiste », teintée de gauche convenue, avec une implacable bonne conscience, toute d’hostilité univoque, permet de douter de leur authentique humanisme. Il y a trop de conformisme dégoulinant et prêcheur pour convaincre d’un noyau dur de convictions éthiques fortes. Trop d’abandons à la conjoncture, pas assez de structure !

Mais on n’en doutait pas avec Desproges qui ne se campait pas sans cesse en pédagogue partisan. Aussi, qu’on ne dise plus que celui-ci serait interdit aujourd’hui, mais qu’il ne serait plus compris : c’est pire.



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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