Le populisme est là pour durer. L’analyse de Jean Messiha.
Le 20 janvier, à l’issue d’un grand show diversitaire qui, reconnaissons-le, correspond à l’ADN américain, Joe Biden a été investi 46ème président d’une nation dont même le plus souverainiste des souverainistes doit bien admettre qu’elle nous concerne et nous influence tous peu ou prou.
On pense ce que l’on veut de ce personnage à l’évidence usé par la vie. Une majorité d’Américains l’a porté au pouvoir malgré des accusations de fraudes « massives » massivement exploitées mais jamais suffisamment étayées pour paraitre crédibles.
Que nous réserve cette « nouvelle ère », pompeusement annoncée par les Démocrates et toute la caste médiacratique qui se réjouit ouvertement de la défaite de Trump ?
Il y a tout d’abord les conséquences politiques de la séquence calamiteuse qui a suivie le 4 novembre, culminant avec l’invasion du Capitole par des extrémistes. Elle n’a pas constitué un bon point pour le mouvement dit « populiste » incarné par Trump, car ses adversaires ont eu beau jeu de le faire apparaitre comme mauvais joueur, complotiste et même violent.
Donald Trump a réussi à porter au pouvoir ce populisme américain en l’incarnant fortement. Il a tenu nombre de ses promesses. Mais la crise du Covid qui fut mal gérée tant au niveau de Washington que des Etats a laminé son bilan. C’est injuste. Mais la vie politique l’est souvent. Il lui revenait de dire : « on a perdu cette fois-ci mais le combat continue car ce que nous avons créé ne s’arrêtera pas ». Ce faisant, il aurait solidement installé le « populisme de gouvernement » dans la vie politique américaine, fort des 74 millions de citoyens qui ont voté pour lui (soit environ 46% du total). Le couple Ivanka Trump / Jared Kushner aurait été idéalement placé pour reprendre le flambeau. Ombrageux et têtu, Trump a préféré la « terre brûlée ». Funeste décision.
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La présidence Biden s’ouvre avec des initiatives importantes sur le plan sociétal, migratoire et économique.
La question raciale revient en force dans un pays profondément fracturé sur la question identitaire. Une grande partie du peuple blanc, chrétienne et conservatrice, se raidit de plus en plus face à sa lente dilution dans une identité américaine en profonde mutation. Le biais ouvertement pro-minorités (ethniques et sexuelles) ainsi que pro-migrants de la nouvelle administration ne va pas l’apaiser. Biden pouvait-il faire autrement ? Probablement pas, tant minorités et migrants ont pris une place considérable dans base du parti démocrate et dans cet électorat américain qui change avec une immigration importante mais également avec des minorités qui participent de plus en plus activement au vote.
Biden a toutefois un atout dans son jeu pour « rassembler les Américains », au moins sur un point : l’économie. Le gigantesque plan de soutien de 1.900 milliards de dollars (1.600 milliards d’euros), qu’il va proposer au Congrès et qui a de bonnes chances d’être approuvé au moins en partie, ne va pas profiter qu’aux minorités loin de là. La très majoritairement blanche classe moyenne durement touchée par la crise va en bénéficier également et, de fait, le monde entier car nous savons tous à quel point la consommation des Etats-Unis pèse encore lourd dans l’économie globale.
Sa politique étrangère ne va pas marquer la rupture que beaucoup attendent si ce n’est dans le style. Trump était un boxeur, Biden un papy affable.
Pas de changement de cap vis-à-vis de la Chine qui est devenue le rival global, tant sur le plan économique que géopolitique.
Plus d’affect avec les alliés européens et en particulier l’UE ouvertement méprisée par Trump mais sans inflexion majeure. L’opinion américaine considère que l’Europe doit davantage contribuer à sa propre défense au lieu de s’abriter à moindre coût sous le parapluie militaire américain. Sur le plan commercial la partie sera serrée. Les sanctions imposées par la précédente administration n’étaient pas purement vexatoires ou nationalistes. Elles correspondaient à de vrais contentieux. Le retour du protectionnisme américain, fortement amplifié et médiatisé par Trump, ne sera nullement démenti par les Démocrates qui comptent aussi sur le vote des « cols bleus » laminés par la désindustrialisation.
Pas de dégel particulier avec la Russie avec qui Trump n’a pas bâti de relations privilégiées, tant s’en faut.
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Au Moyen-Orient, rien de révolutionnaire à attendre. Israël restera un allié stratégique et bénéficiera d’un soutien inconditionnel, même si la colonisation de la Cisjordanie attirera des critiques plus franches.
C’est avec l’Iran que des changements sont attendus. Toutefois, sortis de l’accord de Paris après le retrait unilatéral de Trump et n’ayant eu aucun soutien effectif des Européens, les Iraniens ne sont pas disposés à revenir au statu quo ante. Ils ont appris à vivre sous un régime de sanctions terribles et ont gagné en autonomie nucléaire avec une forte croissance de leur activité d’enrichissement à vocation potentiellement militaire. Pas facile de faire rentrer le dentifrice une fois sorti du tube.
C’est sur la lutte pour le climat que l’on peut objectivement se féliciter du départ de Trump. Son climato-scepticisme était insupportable. La préservation de l’« american way of life » au prix d’émissions de gaz à effets de serre parmi les plus élevés au monde par tête d’habitant (14,5 tonnes par an contre 4,5 en France) constituait un véritable vandalisme écologique. Les Etats-Unis reviennent dans l’accord de Paris et c’est tant mieux pour nous tous.
En ce qui concerne le camp de la France – que je préfère parfois au terme de camp national – que change au fond le départ de Trump et l’arrivée de Biden ?
Franchement pas grand-chose.
Plus de pression « progressiste » dans nos médias par décalquage idéologique ?
Cela fait des années que nous subissons un assaut idéologique qui peut se résumer ainsi : plus de Bruxelles, plus de Maghreb et d’Afrique, plus de métissage, plus d’islam, plus de LGBT, de transgenrisme et d’intersectionnalité. Qu’est-ce que ce pauvre Biden peut ajouter à ce menu déjà bien fourni ?
La chute d’un « modèle » ? Trump n’en a jamais été un pour nous, ou en tout cas pas complètement, tant nous divergeons sur le rôle de l’Etat dans la société.
Nous le voulons stratège, aménageur, protecteur, redistributeur et social. Les « Trumpistes » sont dans une tradition ultra-libérale en matière fiscale et sociale.
Nous avons en revanche des points communs importants : la protection des frontières tant sur le plan économique que migratoire, le refus de laisser l’islam progresser dans nos pays ainsi que la défense de notre identité.
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Sur ce dernier point toutefois, nous devons acter d’une différence fondamentale entre l’Amérique du Nord et l’Europe. La première s’est construite sur une vigoureuse et brutale colonisation de peuplement qui a annihilé les peuples amérindiens « de souche ». Sa composante noire n’est pas majoritairement immigrée mais déportée et, peu le savent, il y avait déjà une population hispanique depuis le 18ème siècle dans les territoires qui devinrent le Texas, le Nouveau Mexique, l’Arizona et la Californie.
A part les malheureux Indiens, personne ne peut dire « cette terre est à moi depuis toujours ». Il en est bien différemment de l’Europe. Les Européens sont les peuples indigènes du continent du même nom. A la différence des autochtones de l’autre-coté de l’Atlantique qui n’eurent pas les moyens de s’opposer à une invasion-submersion migratoire qui les balaya, le peuple d’ici a encore la possibilité de se défendre – mais plus pour très longtemps – aux côtés de ceux qui sont « devenus d’ici » par assimilation et patriotisme.
Notre peuple n’a besoin de personne pour redessiner son avenir si compromis par tous les Quisling qui l’ont dirigé depuis des décennies. C’est en nous-mêmes que nous trouverons les idéaux, les solutions et surtout la force morale pour rebondir.
Trump a perdu la bataille politique de la présidentielle américaine de 2020. Mais ses idées lui survivront car elles correspondent aux aspirations d’un grand nombre d’Américains y compris au sein des minorités. Trump ne s’est pas hissé au niveau de l’opportunité historique que 2016 lui avait apporté. Mais l’avenir appartient au grand mouvement de reconquête identitaire et économique qui anime les peuples européens ou d’origine européenne qui en ont marre d’être accablés, broyés et stigmatisés par l’idéologie diversitaire et mondialiste.
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