Cours accéléré d’histoire de France à l’intention d’un jeune citoyen musulman qui s’interroge sur son identité.
Mon cher Mohammed,
Tu es français et musulman.
Tu es né à la Castellane, une cité des quartiers nord de Marseille – comme Zidane. Tu as l’accent frotté d’ail et d’anis de Marcel Pagnol avec le phrasé d’un rappeur, tu adores Fonky Family et Jul – on dit : « Djoul », hein !
Tu es un supporter de l’OM, tu ne peux pas piffer les Parisiens – comme le Dr Raoult.
Tu as douze ans – et demi ?… tu fais beaucoup plus que ton âge. Tu es déjà ombrageux et fier, comme Mansour ibn Sarjoun alias Jean Damascène, un Père de l’Église – et Abou Nouwas, poète bachique et érotique, au Moyen Âge.
Des Arabes comme toi.
Sauf que ta mère née au bled est illettrée, ton père est au chômage, ton grand frère, dealer précoce, est en calèche aux Beaumettes. Ton cousin est mort en Syrie, aïe ! tu es sûr ?…
Et la France, tu la kiffes, la France ?
On ne va pas se mentir, pour toi, ce sera plus compliqué.
L’islam ? Parlons-en. Les odes ou les fatwas ? Les bibliothèques d’Al-Andalus ou les autodafés ? Les madrasas, le goût des sciences – la physique, l’astronomie, la médecine – ou l’obscurantisme ?
Est-ce si dur de choisir ?
Tu as lu le Coran ? Moi aussi.
Alors ?
La religion de l’amour, l’éloge de la beauté sous le sceau de l’Unique comme un miroir de Dieu, ou les sourates médinoises – abrogeantes, meurtrières, pétrifiées par le dogme ?
Puisque tu es français, je ne doute pas de ta réponse.
D’ailleurs l’islam dans ses ambivalences n’est ni un obstacle ni une solution, c’est une question – les Français adorent les questions.
Je ne sais pas qui tu es dans ton cœur, Mohammed, mais je sais ce que peut la France.
Un homme qui a observé ce pays au siècle dernier y a cueilli une vérité toute simple : « Depuis des siècles, la France oppose aux diversités qui l’assiègent et la pénètrent sa force d’assimilation. Elle transforme ce qu’elle reçoit. Les contrastes s’y atténuent ; les invasions s’y éteignent. » Il s’appelait Paul Vidal de La Blache, il est le père de l’école géographique française[tooltips content= »Tableau de la géographie de la France, Tallandier, 1979. Éloge du temps long et du melting-pot à la française. « Comment se raidir, poursuit Vidal, contre une force insensible qui nous rend de moins en moins étrangers les uns aux autres ? C’est un je ne sais quoi qui flotte au-dessus des différences. Il les compense et les combine en un tout ; et cependant ces variétés subsistent, elles sont vivantes. » Cette vision optimiste peut-elle encore être la nôtre ?
