À moins de 500 jours des élections présidentielles, la vaccination des français s’impose comme le sujet politique majeur.
J’ai déjà eu la chance de pouvoir exprimer à quel point je bénissais la vaccination, en tant que médecin et en tant que patiente. Depuis mars, alors que nous vivons une période noire mêlée d’inquiétude et de tristesse, cette lueur d’espoir qu’on attendait comme le messie est en chemin. Et là, alors que l’antidote a passé la phase 3 avec succès, que les premières commandes ont été réalisées, et qu’il est sur le point d’être livré, que se passe-t-il en amont ?
Voit-on des spots martelant sa venue comme une mesure au moins aussi essentielle que « tousser dans son coude » ? Des clips incitatifs qui parlent à tout le monde ? A-t-on orchestré un plan Marshall à la française en incitant à un grand élan de solidarité nationale autour d’une même cause ? Avec les élus locaux, avec les soignants ? Les médecins, les infirmiers ont-ils été contactés pour informer leurs patients, pour être opérationnels ? L’Armée, une réserve sanitaire, une réserve civile constituée de volontaires motivés ?
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Quelles structures vont être mises en place, avec qui ? Des centres de vaccination, des équipes mobiles, des pharmacies, des salles communales ?
La logistique, de l’approvisionnement à la conservation des doses jusqu’à l’injection des Français qui ne souhaitent que revivre, a-t-elle été millimétrée ?
Rien ne semble prêt
Rien ne semble prêt. Ceci 500 jours avant les élections. Le mécanisme ne paraît en place pour un démarrage rapide alors que l’antidote arrive. Qu’a-t-on appris depuis mars 2020 ?
Seule la priorisation a été travaillée et explicitée. On se prépare à se préparer tranquillement alors que l’épidémie a bien repris et que deux mutants du SarsCov2 émanant du Royaume Uni et d’Afrique du Sud ont émergé y compris sur notre sol. On est en retard par rapport à nos voisins européens qui ont reçu des premières doses en provenance de la centrale d’achat européenne sensiblement au même moment.
Encore bien plus par rapport à d’autres pays comme Israël, même si aucune comparaison n’est envisageable. C’est un pays fondé sur le « quoiqu’il en coûte », capable d’une détermination et d’une logistique inégalables, qui n’a jamais eu le luxe de la tergiversation.
Certains économistes sont vent debout dont Nicolas Bouzou car « seule la vaccination de masse nous sortira de la crise économique et sociale » rappelle-t-il chaque fois que l’occasion lui est donnée. Les politiques, les artistes, les médecins… expriment leur incompréhension. La faute à qui ? Une bureaucratie trop envahissante ? Des process qui empêchent d’avancer et nous font décliner ?
Une entêtante envie d’avoir l’adhésion de tous les Français tout de suite ? Du lourd recueil de consentement au choix des 35 citoyens présentée comme une victoire au bingo. Est-ce là l’égalitarisme que souhaitait le Président lorsqu’il disait « il n’y a pas de sachants et de subissants » ? Mais il y a bien pourtant un décidant.
Le président dit également « qu’il faut être mobile, qu’il faut s’adapter », ce qui est une bonne chose mais il faut aussi devancer. La lenteur à l’allumage aggrave le sentiment de défaillance. Pourquoi la France qui parvient à faire voter 38 millions de français en 12h n’est pas sur les starting-block et prévoit une campagne vaccinale aussi longue ? N’a-t-on pas envie de vite sauver le pays, de relancer l’économie, d’aller au théâtre ou au restaurant ?
Les interventions du gouvernement augmentent la défiance
De plus, les interventions malheureuses des membres du gouvernement augmentent la défiance : lorsque Frédérique Vidal a l’air de sous-entendre qu’on attend un autre vaccin ou que Jean-Baptiste Djebbari indique un chiffre de doses reçues par la France erroné…
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Et si on laissait de côté les complotistes patentés, les sceptiques, les doutants, les méfiants, les hésitants pour l’instant ? Seront-ils d’ailleurs à terme vraiment si nombreux ?
Le président Macron ne réussira pas à convaincre ceux qui ne l’ont pas élu, et prend le risque de ne plus convaincre son propre électorat. Alors qu’on est désormais à moins de 500 jours avant les élections. Et ce n’est pas parce que pour l’instant, malgré l’existence d’opposants farouches ou modérés, il ne se dessine pas d’alternative raisonnable que dans 500 jours ce sera aussi le cas.
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