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Mgr Williamson n’a jamais existé


Mgr Williamson n’a jamais existé

Ça porte une mitre et ça se dit évêque. Le pire est que tout le monde y croit et confère à Richard Williamson un titre qu’aux yeux de l’Eglise catholique, sise Cità del Vaticano, il n’a pas. Il y a quelque temps, on y aurait regardé à deux fois. C’était l’époque bénie où personne n’aurait songé un instant à appeler David Hodo pour lui demander d’effectuer chez soi des travaux de bricolage : on se doutait bien que ce membre des Village People était meilleur chanteur qu’ouvrier en bâtiment. Ces temps-là sont finis : l’habit fait désormais le moine et il vous suffit d’investir dans l’achat d’une mitre, d’une crosse et d’un anneau épiscopal pour vous prétendre évêque et pour que chacun se mette à vous donner du monsignor comme s’il en pleuvait. Jacques Attali voulait libéraliser la licence de taxi, Richard Williamson roule quant à lui sans permis sur les routes épiscopales.

Aux yeux d’un catholique, c’est-à-dire d’un chrétien qui reconnaît l’autorité et le magistère romains, rien n’a jamais fait de Richard Williamson un évêque. Consacré par un excommunié sans approbation pontificale, il n’a jamais fait que de la figuration éhontée dans la succession des apôtres. Aujourd’hui, la levée de son excommunication ne fait pas de lui un prélat de la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine : elle lui permet simplement, comme tout bon et tout mauvais catholique, de recevoir à nouveau les sacrements qui lui étaient refusés jusque-là. Il pourra à nouveau s’asseoir à la table familiale, rompre le pain, comme ce cousin gaga, celui qu’on déteste et qu’on exècre, et dont les moindres paroles sont un crime contre l’esprit, mais que l’on se sent obligé d’inviter une fois l’an parce que c’est l’hiver, qu’il est seul et gna gna gni, gna gna gna. Charité chrétienne oblige. Chacun sa croix. Et les moutons de Jeanne d’Arc seront bien gardés. Amen.

En vérité, je vous le dis : rien ne s’oppose à ce que Richard Williamson revienne à l’Eglise, contrit, la tête basse et le visage éteint de tout enfant prodigue. Il dit des conneries, beaucoup plus qu’un évêque pourrait en bénir : ce n’est pas là l’essentiel, vu qu’en vingt siècles d’histoire qui ne furent pas de tout repos, l’Eglise a eu son content d’imbéciles autant que de prêtres qui peuplent aujourd’hui l’Enfer. Seulement, ce qui ne sera pas pardonné à M. Williamson c’est d’être un con glorieux. Le pape, qui n’est plus trop avare d’indulgences plénières depuis leur gratuité, peut tout : même pardonner la bêtise d’un homme. Mais là où s’arrête son pouvoir spirituel, c’est lorsque se présente à lui un homme dont la principale occupation n’est pas la justification par les œuvres ni par la grâce, mais la justification par la bêtise la plus crasse. À peine Williamson avait-il nié l’existence des chambres à gaz qu’on le retrouve en train de nier l’attentat du 11 septembre 2001. Il y a un peu de l’Aragon du Traité du style chez cet homme-là : « Je conchie le Vatican dans sa totalité. » Conchie, mon frère, conchie, mais ne nous fait plus ch…

Ce que ne veut pas Richard Williamson est assez clair : il ne tient pas à ce que la Fraternité Saint-Pie X réintègre l’Eglise romaine. Il pose des bombes médiatiques, multiplie les calembours douteux et personne ne sait jusqu’où il s’arrêtera. Hier il vous a dit que les chambres à gaz n’existaient pas, demain il montrera son cul au Journal de 20 heures. Il est prêt à tout, le katomikaze. Ce type est, en fait, la version enmîtrée d’Oliver Besancenot ou de Jean-Marie Le Pen : il refuse de travailler avec les partis de gouvernement, car il sait pertinemment que, pour lui, hors la logique groupusculaire point de salut. Des traditionnalistes ou des fidèles du rite latin, Richard Williamson n’en a cure. Ce qui lui importe, c’est faire son intéressant, toucher lui aussi sa part d’audimat et de buzz. Williamson joue les cloportes de la modernité médiatique. Bonjour, la Tradition.

Voilà pour le sieur Williamson, poids plume de la conscience, auquel ma foi et ma raison m’interdisent définitivement de donner le titre de Monseigneur. A Dieu ne plaise.

En face, catégorie poids lourd, Benoît XVI, qui n’est, contrairement aux apparences et aux diverses mises au point de la Secrétairerie, absolument pas gêné aux entournures. Le pape est-il révisionniste ? Bien entendu que non. Si jamais même il se trouvait, au sein de la Sainte Eglise catholique, apostolique et romaine, un seul cardinal, un seul évêque ou un seul prêtre qui ouvrait la bouche pour tenir des propos révisionnistes ce pape-là interviendrait. Et il interviendrait plus qu’un autre. Non seulement parce que l’encyclique Mit brennender Sorge a toujours cours, mais aussi parce qu’il est allemand et qu’on ne plaisante pas avec ce genre d’histoire quand votre dos est chargé malgré vous de tout le poids de la deutsche Vergangenheit. C’est d’ailleurs, sur ce sujet précis, un très mauvais procès que de prêter de l’antisémitisme au catholicisme qui a pleinement admis depuis Lacordaire que « le peuple juif a été l’historien, le jurisconsulte, le sage, le poète de l’humanité ». Procès d’autant plus nauséabond et déplacé que Joseph Ratzinger restera certainement dans l’histoire de l’Eglise comme l’un des théologiens qui ont affirmé le plus puissamment la source juive du christianisme.

Le problème de ce pape-là, c’est que les entournures il ne connaît pas. Il a reçu, comme les hommes de son âge, une éducation dont le point central était une aversion entretenue pour le respect humain. En français, le terme n’est plus employé du tout. J’avais moi-même, à l’âge de dix ou onze ans, été très brusqué lorsque la Supérieure de la congrégation de la Divine Providence à laquelle appartenait ma Schwester Tante prononça ces mots à l’enterrement de ma grand-tante : « Sœur Fabiola était une grande Kappelmeisterin et organiste. Mais elle avait surtout une absence totale de respect humain. » Nimbé dans l’encens et sortant de sa bière, son visage jauni par la mort témoignait au milieu de l’église de Saint-Jean-de-Bassel de tout le contraire. Non seulement je la tenais pour une excellente musicienne qui, jusqu’à la fin de sa vie me frappa désespérément sur les doigts pour me faire jouer une gamme sur le piano, mais en plus je la croyais sainte. Et voilà que j’apprenais que les chemins de la sainteté passaient par le déni du respect humain. Beaucoup plus tard, j’ai découvert l’usage effréné des grands dictionnaires et la traduction s’impose : le respect humain, c’est le souci que l’on a du jugement d’autrui.

Formé comme il a été, c’est-à-dire dans les mêmes années et le même environnement culturel que ma grand-tante, le pape Benoît XVI n’a non seulement aucun sens de la communication, mais, circonstances aggravantes, je crois même qu’il s’en contrefiche. Seule compte, pour lui, la relation qu’il a avec le Très-Haut. S’il réintègre la Fraternité Saint-Pie X jusqu’à ses brebis les plus galeuses et les moins fréquentables, c’est qu’il croit dur comme fer en un messianisme appelé « unité de l’Eglise ». Voilà ce qui arrive, quand l’Esprit – qui souffle où Il veut – appelle à la tête de l’Eglise un mystique si absorbé dans la vita contemplativa qu’il en oublie que notre temps vit à un rythme autre que le sien. Comme l’ont déjà noté Gil Mihaely et Paul Thibaud, voilà ce qui arrive quand un pape se met à croire qu’il n’a de comptes à rendre qu’à Dieu. Voilà ce qui arrive quand le pape est pape et seulement pape. Et Monsieur Williamson, triste sire, sombre sieur de la bulle communicationnelle, n’y pourra rien changer.

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