Cher Monsieur Besson, votre modestie en souffrira peut-être, mais l’honnêteté me commande de vous le dire comme je le pense : j’aime bien ce que vous faites. Cela fait plus de vingt ans que je regarde votre carrière s’épanouir en multiples talents. Je lis chacun de vos romans, me précipite au cinéma dès que s’affiche un film que vous avez réalisé ou produit. Chaque semaine, j’attends avec impatience de lire les réjouissantes chroniques que vous publiez là où on vous le permet encore : L’Humanité, VSD, le Figaro, le Figaro magazine, Le Point, Voici et Marianne. Si l’actuel président français ne muselait pas la presse, ah, vous l’auriez enfin votre tribune hebdomadaire dans Tiercé magazine. Pour l’heure, vous résistez là où vous pouvez. Encore combien de temps ? Nul ne le sait.
Pour vous parler franchement, je n’ai pas trop goûté votre série Taxi. Mais Nikita et Le Grand Bleu, je me les repasserais en boucle si Willy n’avait pas besoin de temps à autre du lecteur dvd pour se mater le documentaire d’Al Gore, seul film susceptible de le calmer quand il songe avoir dépensé toutes ses économies pour une voiture électrique qui tombe en panne au douzième kilomètre.
Ce qui m’étonne le plus en vous, c’est que vous puissiez conjuguer un prolifique travail d’éditorialiste, l’écriture de films et de romans, à des responsabilités politiques chaque jour de plus en plus hautes. Votre ascension est si rapide qu’on imagine que vous n’en resterez pas là et qu’il faudra bien que l’Onu se résolve à reconnaître l’existence d’une république de l’Everest pour que votre ambition trouve des sommets à sa légitime mesure.
Un ami français m’a recommandé il y a quelques jours votre Trahison. J’ai adoré ! C’est si rare, de nos jours, d’avoir quelqu’un comme vous, qui maîtrise si parfaitement le romanesque qu’il nous fait plonger sans que nous ne nous en apercevions au cœur du sordide. Votre Trahison restera un chef d’œuvre et je vois le jour venir où tout cela sera étudié dès le plus jeune âge dans les écoles.
Alors, dès que j’ai entendu votre appel à la délation des passeurs d’immigrés clandestins, Willy m’a dit : « Ecris une lettre à Besson, ça lui fera plaisir. »
J’ai justement repéré il y a quelque temps le drôle de manège d’un de vos compatriotes, Guillaume Pépy. Sous une couverture somme toute assez officielle (l’homme est, paraît-il, président de la SNCF), il fait passer chaque jour, à hauteur de Kehl, des milliers d’Allemands en France. Cela arrangerait les affaires de la France et celles de Hartmut Mehdorn, président de la Deutsche Bahn, si vous pouviez mettre un terme aux agissements de ce malfaiteur.
Je tiens également à porter à votre connaissance l’activisme forcené d’une personne de couleur. Il s’agit d’un certain Jacques Séguéla (Paris). Cet individu dirigerait une filière de passeurs italiens. Quelqu’un m’a dit que les plus hautes sphères de la République française seraient touchées par cette affaire. Je sais pouvoir compter sur vous pour que le réseau soit démantelé et que les pauvres filles, victimes de cet être abject, soient reconduites chez elles sans plus attendre.
Vous renouvelant, Monsieur Besson, toute ma vénération, je vous prie de recevoir mes salutations les meilleures.
Une bonne Allemande
PS : N’écoutez pas Jacques Attali : arrêtez, il y a beaucoup trop de Taxi maintenant.
Photo de Une : Eric Besson aux assises du numérique, Luc Legay, Flickr.
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