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La crèche du Vatican: le triomphe du misérabilisme

Une crèche qui interroge


La crèche du Vatican: le triomphe du misérabilisme
La Crèche du Vatican 2020. © Rocco Spaziani/ Mondadori Portfol/SIPA SIPAUSA30247553_000002

La crèche installée cette année au Vatican, entre avant-gardisme et art naïf, masque l’humanité du Christ et n’élève pas l’âme vers le divin.


Dans la Bible, Dieu crée l’homme « à son image et à sa ressemblance ». Pour Emmanuel Lévinas, Dieu et le visage sont un binôme indissociable. Loin d’être un concept donné d’avance, « Dieu vient à l’idée » (titre d’un de ses livres) dans l’épiphanie du visage que je rencontre. Aussi « la manière qu’a l’autre de m’aborder en face, à la fois suppliant et impérieux, est-il porteur du premier et du seul ordre à moi adressé : Tu ne tueras point. » Avec le masque, évidemment, cette éthique du visage « se voit amputée de sa part d’infini. » A Noël, pour les chrétiens, Dieu vient à nous comme une personne – l’Emmanuel – et comme personne ne le fera jamais. Nu, désarmé, le visage du Christ est l’épiphanie de Dieu qui vient incognito. Aussi, est-ce à la messe que l’étrangeté du culte apparaît : quand on s’avance, masqué, pour communier.

Chercher le divin

La crèche du Vatican, de 2020, non masquée, est également inhumaine. Faute d’ouvriers, à cause du Covid, on aurait récupéré cette crèche des années 70, d’un art « naïf et minimaliste ». Des cylindres géants, inspirés de momies et de cosmonautes, remplacent les santons. Dieu, lui, n’avait pourtant pas fait un geste créateur minimaliste ni misérabiliste. Faudrait-il s’en prendre au luxe, inutile, de la Création ? Ces zèbres aux pantalons rayés, ces paons aux queues faramineuses, ces alouettes huppées, ces aigrettes gazettes, ces girafes au long cou d’une autre époque, ces excentricités de taches et de plumes : toute cette haute couture serait-elle à revoir ? En attendant cet aggiornamento, on se demande si le pape a voulu satisfaire certains iconoclastes, partisans de l’interdiction de la représentation de la divinité. Le moins qu’on puisse dire, en tout cas, est que le divin, dans cette crèche, ne saute pas aux yeux. Il est vrai qu’à défaut de recueillement, cette crèche permet de s’interroger sur l’art sacré non figuratif, sur le beau et sur le laid : sur le goût.

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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