Ce moi-ci, pour oublier ma laisse d’un kilomètre, je me suis transporté en rêve à quelques milliers de miles, entre L.A. et Washington D.C., auprès de mes amis Trump et Bret Easton Ellis.
MAKE AMERICA SMALL AGAIN
Mardi 3 novembre – Mercredi 20 janvier
L’Amérique a perdu un grand président. Ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les antitrumpistes primaires.
En 2016, Mr Orange était à peine élu que les élites libérales ont commencé de se lamenter sur les drames d’une « ère Trump » même pas inaugurée.
Mieux : dès le printemps 2017, les critiques littéraires et cinématographiques les plus pointus se sont mis à dénicher un peu partout dans les nouveautés, tels des œufs de Pâques, des « métaphores » de ladite ère Trump. Je vous en fais un de mémoire, façon Télérama : « Racisme, violence, inégalités : un regard cru sur l’Amérique de l’ère Trump ».
Et tout ça à propos d’œuvres entièrement conçues et réalisées sous le règne d’Obama ; mais dire ça, c’est faire peu de cas du génie visionnaire de l’artiste, n’est-ce pas ?
Aujourd’hui encore, et malgré la chute de ce Saddam U.S., le cauchemar est loin d’être fini, apprend-on. Dans son éditorial du 5 novembre, Le Monde résume sobrement l’état d’esprit de l’intelligentsia transatlantique : même défait aujourd’hui, le trumpisme restera un « héritage durable de la politique des États-Unis ».
Avec ses 72 millions d’électeurs rednecks, son Sénat rouge sang et sa Cour suprême désormais facho pour trente ans, ce diable pourrait bien saboter une « ère Biden » qui s’annonçait pourtant radieuse. Voire, horresco referens, revenir au pouvoir dans quatre ans…
En tout cas, le camp démocrate a tout intérêt à brandir ce scénario d’épouvante. Pas de gentils sans méchant ! Imagine-t-on Stephen King écrivant un Ça, chapitre 2 sans retour du Clown tueur ?
COMMENT J’AI LIBÉRÉ MA CRÉATIVITÉ
Jeudi 12 novembre
Une amie m’a prêté le best-seller mondial de Julia Cameron, Libérez votre créativité (J’ai Lu, 345 pp, 7,60 €). « Toi qui écris, ça peut toujours te servir. » Comment devais-je le prendre ?
En tout cas je l’ai pris. Une méthode révolutionnaire pour « chasser blocages et inhibitions et stimuler [mon] élan créateur », ça ne se refuse pas. Au pire, ça pourrait toujours faire l’objet d’un papier, voire d’une chronique entière.
Hélas ! Ça commence bien mal. Le premier commandement de ce programme consiste à « rédiger chaque jour ses pages du matin ». Rédhibitoire pour moi, qui vis à l’heure néo-zélandaise.
À moins que le mot « matin » puisse être remplacé sans dommage par « heure du réveil ». Malheureusement, dans son livre, Julia n’en souffle mot. Quelqu’un aurait-il son numéro de téléphone, que je lui pose la question ?
Promis, je tiendrai compte du décalage horaire.
ELLIS ISLAND
Mercredi 18 novembre
« J’aime l’idée d’être un auteur vieillissant qui fout en l’air son image. » C’est cette phrase de Bret Easton Ellis, interviewé par Beigbeder dans le Fig Mag, qui m’a donné envie de lire White – sa première « non-fiction », comme on dit connement.
Jusqu’à présent, Ellis était l’auteur à succès de romans sulfureux, dont American Psycho. Gay de surcroît, il était classé a priori « intello-libéral », malgré quelques dérapages.
Avec ce pamphlet, BEE brûle ses vaisseaux, dégonflant tour à tour les baudruches intellectuelles de l’époque : « inclusion », communautarismes et victimisation généralisée, sur fond de « likable » unique et obligatoire sous peine d’ostracisme.
Tout a commencé il y a dix ans sur Twitter. Parfois, la nuit, Bret s’installe devant son clavier, une bouteille de tequila à portée de main, et raconte ce qui lui passe par la tête.
Entre deux shots, il signale ainsi des trucs à lire et à voir, ou à fuir, explique pourquoi « c’est une mauvaise idée de faire l’amour en regardant Game of Thrones » ou compare Amour de Michael Haneke, tout juste oscarisé, à « La Maison du lac dirigé par Hitler ». Bret est un chahuteur.
Preuve qu’il ne se relit pas toujours : une nuit, le distrait commande de la drogue sur son compte public. « Ivre, je pensais que j’envoyais un texto », plaide-t-il.
Au fil de ses provocs, certains « followers » se transforment en « haters », qui se disent « offensés » par ses prises de position. C’est qu’on ne peut pas dire n’importe quoi sur Twitter !
– Où d’autre ? répond-il.
Premier scandale en 2010 : Katheryn Bigelow reçoit l’Oscar du meilleur réalisateur pour Démineurs. Et BEE de tweeter : « Si le metteur en scène avait été un homme, jamais il n’aurait eu l’Oscar. »
Aussitôt, partout on hurle à la misogynie, voire à la gynophobie ; mais il s’en fout. Au contraire, l’épisode réveille en lui le « mauvais garçon », qui désormais va troller à tous les vents et contre le vent. Son plus grand plaisir : écrire des horreurs telles que ces messieurs-dames de l’élite libérale « serrent leur collier » d’indignation en le lisant.
Après les femmes, il s’en prend donc aux « milléniaux », qualifiés de « génération dégonflée », puis à sa propre « communauté » (« gays identitaires » et « gays grand public ») et même à Black Lives Matter pour son look déplorable qui, assure-t-il en esthète, nuit considérablement à la cause.
Mais le plus gros succès de Bret sur Twitter n’est pas prémédité. En 2016, avec la campagne présidentielle, l’hystérie anti-Trump a gagné chez ses amis, et les « résistants » se planquent. Un soir qu’il dîne à West Hollywood (« WeHo » pour les intimes) avec deux couples d’amis branchés, il est ainsi témoin d’un double coming out politique.
L’un après l’autre, l’un entraînant l’autre, ces quatre obamistes de toujours finissent par le confesser, soulagés, sous l’œil amène de Bret : cette fois c’est décidé, ils vont voter Trump, parce que y en a marre – mais surtout faut pas le dire.
À peine rentré chez lui, notre ami, éméché mais pas trop, balance le scoop sans citer les noms : « Il y a des trumpistes à WeHo ! »
Puis il s’endort paisiblement… jusqu’à ce que son petit ami le réveille en sursaut : « Putain, qu’est-ce que tu as tweeté ? » De fait il découvre, sidéré, des milliers de reprises et commentaires, et des dizaines de demandes d’interview. Sans compter, abricot sur le gâteau, un retweet de @realDonaldTrump en personne !
Après ça, tu peux mourir. Lui, il est juste passé aux podcasts.
HAPPY BIRTHDAY Mr PRESIDENT !
Dimanche 22 novembre
Pour fêter le 130ème anniversaire de sa naissance, un bon mot du général de Gaulle : « Je ne respecte que les gens qui me résistent. Malheureusement, je ne peux pas les supporter. »