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Rome: le Rubicon et les biftons

Tous pourris ?


Rome: le Rubicon et les biftons
Frédéric Ferney. © Hannah ASSOULINE

À Rome, dans les dernières années de la République, la corruption règne à tous les étages, l’argent sale est un outil électoral et l’obtention d’avantages ou de faveurs, un système. On n’a plus l’idée de cela !… Petite leçon de démocratie à la mode latine. 


On sait combien les hommes de la Révolution française ont idéalisé la vertu incarnée par la République romaine. Leur guide, c’est Jean-Jacques (Rousseau), le législateur des âmes et l’adversaire de tous les vices ; leur bréviaire, les Vies parallèles des hommes illustres de Plutarque – le destin de Brutus qui pousse le bouchon jusqu’à assassiner Jules César, son père adoptif, pour sauver la patrie leur tirait des larmes.
Aussi eussent-ils frémi d’horreur, eux qui voulaient purger l’Europe de ses tyrans et régénérer le genre humain – Marat l’intransigeant, le justicier furibond poignardé dans sa baignoire, ou Robespierre l’incorruptible, malade de pureté et fanatiquement honnête –, s’ils avaient su à quel degré la corruption sévissait à Rome dans les ultimes décennies de la République.
Tous étaient fils de Brutus dans leur rêve.
Oublions Mirabeau, stipendié en douce par le roi Louis XVI, et Danton, plus indulgent, c’est-à-dire un brin vénal –et prévaricateur !
Quand on relit les auteurs latins Salluste et Cicéron, deux indignés de l’époque, vantés pour leur éloquence – mais eux non plus n’étaient pas blancs comme neige –, on doit se rendre à l’évidence : la concussion, les scandales financiers et les affaires ont été au cœur de la vie démocratique à Rome.
Tous pourris ?

Nous sommes au Ier siècle avant J.-C.
Rome, toujours hantée par la guerre civile, vit des heures troubles. Le frêle équilibre des institutions que la République avait su maintenir à ses débuts menace de se briser. Les mœurs des élites ont changé, le souci du bien commun s’est perdu.
De l’idéal austère du patriciat ancien ne subsiste qu’une faible et glorieuse empreinte.
Les valeurs civiques – peut-être n’ont-elles été dès l’origine que les ressorts d’une illusion passionnée – s’effacent devant les prétentions d’une caste sénatoriale qui s’arroge tous les droits et ne défend plus que ses intérêts.
Le fier emblème de la République, SPQR (Senatus Populus que Romanus), qui figure au fronton des temples et des édifices publics et qui symbolise l’unité de la nation, c’est une blague ! À moins d’être aveugle – la plupart des citoyens le sont tout en éprouvant confusément un malaise –, on ne peut que constater la fracture entre le peuple et les élites.
Au sommet de l’État, on se croit tout permis ; on se dépêche d’être riche et puissant – on l’était

Décembre 2020 – Causeur #85

Article extrait du Magazine Causeur




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est écrivain, essayiste et journaliste littéraire

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