Thierry Baudet, le dandy de la droite dure néerlandaise, concurrent principal de M. Geert Wilders, ne supporte plus les « procès par médias interposés », a-t-il annoncé lundi 23 novembre.
Thierry Baudet, le dandy de la droite dure néerlandaise, promis il y a peu à un grand avenir, se bat pour sa survie politique.
Ne supportant plus le « procès par médias interposés », il annonça sa démission le lundi 23 novembre. Pour se raviser peu après, laissant en désarroi le parti fondé par lui-même en 2017, le Forum voor (pour la) Democratie (FVD). C’est comme si Marine Le Pen quittait le Rassemblement national avant de changer d’avis et de préparer son retour.
Tout avait commencé au printemps par une fronde au sein du FVD. M. Baudet aurait réagi trop mollement contre des membres de l’aile de la jeunesse de Forum, accusés de tweets, d’apps et de posts sur Instagram avec un contenu raciste, antisémite et homophobe.
Baudet, francophile et francophone, musicien de talent, fier des gouttes de sang indonésien dans ses veines, feignait d’abord que le sujet l’ennuyait. Il admonestait mollement les coupables et enjoignait le dirigeant des jeunes du Forum à mettre de l’ordre. Efforts restés sans effet, car des journalistes de la presse néerlandaise continuent de fouiner les tweets et apps de jeunes fans de « Thierry ». Spectacle quelque peu désolant, que celui des limiers de la presse d’un certain âge chassant les élucubrations d’adolescents ou post-adolescents qui, comme chacun sait, déconnent ferme sur les réseaux sociaux. Aussi n’est-il pas facile d’ établir si ces frasques racistes ou homophobes étaient de véritables professions de foi, ou des provocations mêlées d’humour potache.
Un doute que certains journalistes et commentateurs ne se permettaient pas, sûrs dans leur conviction que ses garçons et filles sont d’affreux fascistes tolérés, sinon encouragés, par M. Baudet en personne. Celui-ci fut traîné dans la boue d’une manière qui rappela le lynchage médiatique de M. Pim Fortuyn, assassiné pour ses idées en 2002.
Baudet refusa de désavouer « sa » jeunesse, plaidant pour une solution tres politicienne: l’instauration d’une commission d’enquête. Mais son cercle restreint commençait à le lâcher à mesure que les révélations sur ces scandaleux jeunots se succédèrent, exigeant notamment le renvoi de leur dirigeant, M. Freek Jansen. Cet ami intime et conseiller de M. Baudet avait été accusé de sympathies pour les nazis, qu’il niait. Quand ses plus proches collaborateurs exigeaient eux-aussi le renvoi de M. Freek Jansen, M. Baudet embrassa son camarade longuement devant les caméras en guise de pied de nez à ses détracteurs dans son parti et dans la presse. Quelques heures après, il annonça sa démission comme tête de liste et président du parti. Décision qu’il regretta un peu plus tard, quand il annonça sa volonté de revenir. Ce qui donnait lieu à des soucis sur son état mental.
Il est vrai que, ces derniers mois, M. Baudet avait fait preuve de lassitude sous le feu des médias dits sérieux qui en général le détestent copieusement. Au Parlement, où son parti n’occupe que trois des 150 sièges, M. Geert Wilders, son concurrent à la droite de la droite, dont le parti PVV en occupe vingt, lui vola la vedette. M. Baudet, écrivain d’un certain renom, ne semblait pas doué pour la politique pratique ou pour un rapport apaisé avec les médias. Qui ne cessèrent de lui reprocher ses contacts avec un dirigeant de l’alt-right aux Etats-Unis, son souhait que les Pays-Bas puissent rester une nation Blanche, son admiration pour MM. Poutine et Orban, sa rencontre avec le très admiré Jean-Marie Le Pen.…
Non sans raison, M. Baudet avait accusé les médias néerlandais de considérer sa curiosité comme un vilain défaut. Une rencontre avec un penseur fulgurant de l’extrême droite américaine n’équivaut pas à partager ses idées, répétait-il à satiété avant de sombrer dans un certain morosité.
Et dans une folie autodestructrice, selon ses adversaires. Quand soudain il annonça sa volonté de revenir à la tête du parti, ses adversaires, furieux, lui interdirent l’accès au siège à Amsterdam. Pour être certains que M. Baudet n’y mettrait plus les pieds, les « putschistes », selon l’intéressé, firent remplacer la serrure. En même temps, ses derniers soutiens de poids s’évaporèrent après les révélations, venant d’ une sénatrice de son parti, que M. Baudet avait proféré des opinions tachées d’antisémitisme. Surtout en ce qui concerne George Soros et la ‘responsabilité’ de celui-ci dans la propagation du coronavirus. C’était le signal du départ des derniers cadres du parti.
Baudet reste populaire, cependant, parmi les membres ordinaires qu’il compte consulter sur son désir de retour. « Référendum », dont la date reste à déterminer, avec l’aval grinçant de ce qui reste de la direction, qui l’avait pourtant congédié.
Qu’il semblait loin, le temps pourtant proche quand son parti sortit vainqueur des élections provinciales fin 2019. Environ un million de Néerlandais avait opté pour les candidats de Forum voor Democratie, ce qui fit sensation dans un pays peu enclin au renouvellement en politique. Rétrospectivement, le triomphe portait en lui les germes de la chute de M. Baudet. Car son discours cette nuit-là, avec moult références au philosophe Hegel, la civilisation boréale et autres sujets incompréhensibles pour le Néerlandais moyen, mécontentait fort ses plus étroits collaborateurs. Thierry, disaient-ils en substance et en coulisses, aurait dû avoir la décence de se joindre à une soirée électorale festive et arrosée, au lieu de prendre ses électeurs par le haut. Critique encore feutrée, mais qui mena directement à l’implosion du parti dans laquelle la droite dure tendance intello avait fondé tant d’espoirs.
Les sondages prévoient que, pour les élections législatives de mars 2021, bon nombre d’électeurs déçus de M. Baudet vont jeter leur dévolu sur le très terre-à-terre M. Wilders. Pour beaucoup, c’est un retour au bercail. Leur flirt avec M. Baudet fut aussi intense que bref.
Article mis à jour le 04 décembre 2020.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !