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De la protection de la police à celle… des journalistes

Sécurité: Emmanuel Macron rattrape-t-il son retard?


De la protection de la police à celle… des journalistes
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le président Macron à Chambord, juillet 2020 © Lemouton / Pool/SIPA

Emmanuel Macron rattrape-t-il son retard? C’est compliqué pour lui, car en France, le président a tort quand il a raison. La loi sur la sécurité globale en fournit la démonstration.


La langue régalienne a longtemps été une langue étrangère pour le président de la République. Mais depuis quelque temps, notamment à cause de l’effroyable terrorisme islamiste, il met les bouchées doubles et cherche à se rattraper.

Au point de déstabiliser sa majorité qui voulait bien être en marche mais dans le mauvais sens : celui de la naïveté compassionnelle résistant à tous les assauts du réel ne permettant plus de se payer de mots.

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Il est paradoxal, voire ironique, de sentir cette défiance au moment même où au contraire Emmanuel Macron ne devrait plus la subir puisqu’une majorité de citoyens n’a cessé, depuis 2017, de réclamer une lucidité, une autorité et une rigueur dans l’appréhension de ces fléaux qui minent notre société : insécurité, immigration clandestine, séparatisme, délinquance, droit d’asile, menaces terroristes importées ou cultivées dans l’espace national. Comment être encore Français avec tout ce que cet honneur implique en devoirs et donne de droits ? Comment convaincre la France qu’elle est encore chez elle ?

Une évolution sincère ou électoraliste?

Si rien n’est simple pour le président de la République, il est possible que les difficultés de perception qu’on a de son comportement métamorphosé, tiennent à un doute sur le caractère sincère ou non, réaliste ou seulement cynique de son évolution. A-t-il enfin saisi l’enseignement d’un réel qui pourtant n’économisait pas ses leçons, ou accomplit-il une embardée, presque une volte-face, pour continuer à priver la droite classique de ses ultimes munitions ? Il n’empêche que, quelle que soit la réponse, il y a un effet objectivement bienfaisant de ce bouleversement. On a l’impression que notre destin et notre sauvegarde sont pris en main.

Il est impossible dans notre démocratie, dès lors qu’elle s’assigne des ambitions plus musclées (…) de parvenir à surmonter le lassant et immanquable débat qui surgit

Mais, dans notre pays infiniment réfractaire, ce qu’on attend et qui survient est, par ce fait même, discuté, contesté et rien n’est plus voluptueux, pour nos dissensions, que de détourner le sens de dispositions pourtant un temps acceptées dans leur principe.

Ainsi, on a constaté qu’en quinze ans, les agressions visant les policiers ont doublé et que donc il convenait de les protéger, autant que faire ce peut, contre les atteintes périphériques mais parfois gravissimes portées au cœur de leur mission essentielle de maintien de l’ordre et de tranquillité publique.

Controverse “corporatiste”

Pour la proposition de loi sur la sécurité globale, alors que son article 24 interdisait toute diffusion d’image permettant d’identifier un fonctionnaire des forces de l’ordre quand elle est dévoilée « dans le but de porter atteinte à son intégrité physique ou psychique », il a fallu que la discussion dévie et qu’on passe de la nécessaire protection de la police à celle des journalistes.

Et qu’au lieu d’approuver une disposition mettant des policiers à l’abri de violences scandaleuses et de révélations dangereuses pour eux et leurs proches, on s’obsède sur un tout autre sujet qui concerne les rares violences illégitimes de la police et la crainte qu’elles soient occultées.

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Ce n’est pas nier l’existence de ces dernières que de soutenir qu’entre le doigt montrant la lune et la lune elle-même il faut choisir la lune, l’essentiel au détriment du résiduel, et ne pas confondre l’usage de la force légitime avec les violences illégitimes que tel ou tel fonctionnaire a pu commettre et qui sont réprimées.

Cette controverse « corporatiste » a payé puisque le Premier ministre a éprouvé le besoin d’infléchir la position du ministre, de complaire aux journalistes avec un rappel inutile sur la liberté de la presse et un adverbe démagogique. On en arrive même au point de vue radical de la défenseure des droits qui ne propose rien de moins que la suppression de cet article 24. Il est impossible dans notre démocratie, dès lors qu’elle s’assigne des ambitions plus musclées avec la volonté de les mettre en œuvre, de parvenir à surmonter le lassant et immanquable débat qui surgit, quand la sécurité est mieux assurée, sur la liberté qui serait battue en brèche comme si chacun ne devait pas se féliciter de se dépouiller d’un peu de son autonomie pour la sauvegarde de tous.

Guillaume Chiche parle de “dérive autoritaire”

Et d’abord de ceux qui sont nos gardiens républicains, la police, les instances régaliennes, celles sans lesquelles nous n’aurions même plus le loisir de discuter sur l’arbitrage entre libertés et sécurité.

Maintenant que le président de la République – l’échéance de 2022 n’y est pas pour rien, de même que l’état d’inquiétude d’une population qui n’attend que d’être libérée de la menace du Covid et du risque terroriste – a pris la mesure d’un obligatoire changement de cap, il est évidemment critiqué.

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Par une part de ceux qui déploraient hier pourtant sa mansuétude d’État. Il est aussi caricaturé par exemple par le député LREM Guillaume Chiche imputant à Emmanuel Macron de « se complaire dans une dérive autoritaire… et de trahir ses engagements de 2017 » comme si rien d’important ni de tragique ne s’était déroulé depuis son élection.

Cette réaction d’un élu, pour aberrante qu’elle soit, montre bien que les jeux ne sont pas faits. Nous avons eu une parole présidentielle changeante et des coups de menton ont succédé à une molle acceptation. Les frontières deviennent floues et les appartenances ambiguës. À peine les assassinats ont-ils diffusé leurs sombres leçons que le consensus de l’indignation collective s’effrite et que la République n’a qu’une envie : retrouver ses aises, ses attitudes confortables d’opposition, ses contrastes si faciles et ridicules en cette période, entre une exigence de sûreté qui serait mortifère et une passion de la liberté qui serait noble mais suicidaire.

Ce billet avait pour point de départ les agressions contre la police qui ont doublé. Dans l’effervescence de ces derniers jours, elles ont été oubliées. Il faudra bien qu’un jour on paie notre indifférence pour enfin nous mobiliser pour et avec elle.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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