Annus horribilis avait dit Elisabeth II à propos de l’année 1992. Que dire alors de 2020? À la sourde menace de la pandémie de coronavirus s’ajoutent une situation économique désastreuse, des problèmes sécuritaires majeurs et le spectre du danger islamiste. Comme si tout cela ne suffisait pas, la France se trouve aujourd’hui en guerre ouverte avec une partie de l’opinion publique islamique et arabophone mondiale qu’elle savait autrefois amadouer. Comment en sommes-nous arrivés là?
La France est-elle devenue une puissance musulmane ? De fait, nous hébergeons une importante communauté musulmane, parmi les plus puissantes en Occident. Une communauté qui n’a pas de voix consensuelles pour la guider, trop souvent attirée par l’étranger chez qui elle va chercher appui, soutien et moyens financiers. Depuis quelques jours, les tensions entre la France et certaines puissances musulmanes s’intensifient. Nous ne sommes pourtant pas seuls. Des nations de premier plan comme l’Égypte, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis ou le Bahreïn soutenant directement la France ou ne participant pas à la curée contre notre pays, visé en sa double qualité d’héritière des croisés et de fille de la Révolution de 1789.
Boycott contre la France: une « cinquième colonne » à l’œuvre
La campagne de boycott visant la France et ses exportations lancée par des activistes musulmans au Pakistan, au Koweït ou en Turquie n’est pas étrangère aux dernières inclinaisons prises par le gouvernement Castex qui a fait de la lutte contre le « séparatisme » l’un de ses objectifs politiques pour la fin du quinquennat, ni aux mesures légitimes de contre-attaque culturelle décidées après l’assassinat de Samuel Paty par un jeune réfugié tchétchène influencé par une cabale lancée par des parents d’élèves et complaisamment relayée par des associations menacées de dissolution ou des pages Facebook telle celle de la mosquée de Pantin en Seine-Saint-Denis.
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Les acteurs du monde associatif musulman liés à une partie de la gauche, souvent qualifiée d’ « islamo-gauchiste », ont choisi de dénoncer ce qu’ils qualifient d’ « islamophobie systémique », concept inspiré du « racisme systémique » forgé par les progressistes américains ou le Parti des Indigènes de la République d’Houria Bouteldja en France. L’appel au boycott des produits français a d’ailleurs été largement soutenu par des… Français. Le très suivi site « Dômes et Minarets » s’est ainsi fait le porte-voix des « musulmans opprimés » par la France, activant ses réseaux internationaux pour mettre la pression sur l’exécutif.
D’autres organes proches ont aussi témoigné de leur émoi. Marwann Muhammad du CCIF a par exemple déclaré : « C’est triste d’en arriver là, mais à force de cibler les musulmans sans cesse, la France se ridiculise une fois de plus à l’international. Cela cause du tort à son image, à son économie, sa diplomatie, et plus grave encore, sa crédibilité en matière de respect des droits humains ». Faisait-il référence, par opposition à la France, au Pakistan de l’ancien international de cricket Imran Khan semble-t-il très apprécié par Dômes et Minarets ? L’actuel premier ministre pakistanais a demandé que toute critique de l’islam soit interdite sur Facebook en plus de son soutien à l’appel au boycott des produits d’exportation français.
Rappelons que la législation pakistanaise relative au blasphème – héritée de l’Empire britannique qui entendait apaiser les relations entre les différentes communautés de la région en proscrivant tous les « blasphèmes » – est l’une des plus restrictives au monde depuis la réforme portée par le général Zia-Ul-Haq en 1977, conduisant chaque année à des exécutions d’innocents et d’immondes condamnations comme le montre le célèbre cas d’Asia Bibi. L’affaire Asia Bibi, du nom de cette chrétienne condamnée à mort pour un blasphème imaginaire, n’est d’ailleurs pas isolée. La Commission nationale pour la justice et la paix a estimé qu’entre 1987 et 2014, 633 musulmans, 494 ahmadis, 187 chrétiens et 21 hindous avaient été poursuivis pour blasphème.
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Au Pakistan, la réaction du gouvernement aux propos d’Emmanuel Macron voulant qu’en France le droit de caricaturer soit pleinement affirmé est logique, ce pays étant soumis aux réactions d’une population empreinte d’une religiosité confinant au fanatisme ainsi qu’à l’emprise des officiers de l’armée proches des mouvements islamistes. Idem au Koweït, seul pays au monde où les islamistes jouissent d’un pouvoir concret, salafistes et frères musulmans présents au Parlement bénéficiant d’une grande liberté de manœuvre. En Turquie, le président Erdogan exerce le pouvoir en bonne harmonie avec les Frères musulmans, infusant le nationalisme turc dans l’islam. Lui vise l’hégémonie régionale. Il est à prévoir que des manifestations et des débordements se produiront vendredi après la prière.
Le concept controversé d’islamophobie de nouveau instrumentalisé contre la France
Chez nous, la situation est très différente. Issu des courants fréristes via une personne comme Samy Debah son fondateur et président entre 2003 et 2017, proche des Indigènes de la République qui fut à deux doigts d’être élu maire de Garges-lès-Gonesse et qui durant son adolescence était prédicateur du Tabligh, le CCIF fait figure d’exception dans un paysage militant qui juge les Frères musulmans… trop peu radicaux. Dômes et Minarets ou l’association Barakacity qui a opéré en Syrie avec le soutien de la Turquie, avant que son fondateur Idriss Sihamedi n’en soit expulsé en 2019, sont en revanche plus proches du salafisme.
Si ces associations n’ont ni les mêmes objectifs ni exactement les mêmes racines idéologiques, elles ont toutes relayé la campagne de diffamation visant la France et ses intérêts avec le plus grand zèle. Financé par le projet HATEMER de l’Union européenne pour son action menée contre « l’islamophobie », le CCIF a utilisé un registre de langage comparable à celui employé par Erdogan, lequel établit un parallèle entre le sort des juifs d’Europe dans l’entre deux-guerres et celui que subirait aujourd’hui les musulmans vivant en Europe. Alors qu’on comprendra aisément les motivations du dirigeant turc quand il cible la France, moyen habile de mobiliser ses partisans et de se faire le champion de l’islam tout en faisant oublier que la livre turque s’enfonce dès qu’il prend la parole dans les grands débats internationaux, on s’interrogera sur l’opportunité pour ces mouvements fondés par des personnes de nationalité françaises de s’exposer de la sorte.
« Les fascistes du régime de Vichy ont dissous la quasi totalité des organisations juives. Les premières à en pâtir étaient les associations de lutte contre l’antisémitisme et celles qui s’occupaient de charité communautaire »@contactujfp
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— CCIF (@ccif) October 24, 2020
Ont-ils si peur de vivre dans un pays où ils ont tous les droits, hors celui de porter des burkas empêchant l’identification par les forces de l’ordre ? Il leur est simplement demandé de remplir leur devoir de citoyen en respectant le droit en vigueur.
La campagne de victimisation de ces officines est extrêmement dangereuse et pernicieuse car elle pousse des milliers, sinon des millions de personnes possédant la nationalité française à cracher sur le pays qui les nourrit et à se réjouir de dénaturer les relations commerciales, militaires et diplomatiques que la France entretient avec le monde musulman. Heureusement, quelques voix raisonnables se sont fait entendre en France, à l’image du recteur de la mosquée de Paris monsieur Chems-eddine. À l’étranger, la Ligue islamique mondiale a par la voix de son porte-parole fait savoir que « le prophète (était) trop grand et trop majestueux » pour être affecté par des caricatures. Le CFCM avait par la voix de monsieur Moussaoui tenté une approche consensuelle, avant de tenter une impossible synthèse : « Je pense que nous pouvons renoncer à certains droits [liberté de caricaturer] surtout par le devoir de responsabilité et de fraternité ». Détournez le regard si ça ne vous plaît pas. Se rend-il compte qu’il demande un privilège exorbitant et particulier qui n’est demandé par aucun autre culte ? Une telle position est intenable. Ce n’est pas possible.
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Les voix de la raison et de l’apaisement sont trop peu nombreuses. Tant de militants continuent de faire leur beurre sur une islamophobie totalement fantasmée et ont participé au dénigrement de la France dans le monde, ont utilisé toutes les ressources à leur disposition pour nous nuire. Et pourquoi ? Parce qu’un professeur a été assassiné ? Parce qu’un dessin vulgaire de Mahomet a été diffusé entre dix dessins sur Jésus et cinquante sur la classe politique française ?
Erdogan a indiqué vouloir accueillir tous les binationaux opprimés, voire tous les musulmans d’Europe subissant des « injustices ». Désormais, réfugiés radicalisés et mineurs non accompagnés auront un pays sûr pour être expulsés. Prenons-le au mot. Mettons-le face à ses mensonges. Ne cédons pas à ses provocations. Ici comme à l’extérieur, la France ne doit plus avoir peur d’affirmer ce qu’elle est. Elle en sortira grandie et ses relations diplomatiques renforcées. Ne nous leurrons pas, les caricatures ne sont qu’un prétexte pour des jeux diplomatiques troubles et rassurer les opinions publiques, occupant le rôle autrefois dévolu au conflit israélo-palestinien. De la même manière que la Turquie et le Pakistan sont des puissances souveraines, nous le sommes aussi. Ils sont, de fait, bien moins inquiétants pour notre pays que la cinquième colonne et ses supplétifs qui vivent sur notre territoire et constituent leur armée de réserve.
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