Accueil Monde Bakou ne souhaite que l’application du droit international

Bakou ne souhaite que l’application du droit international

Une tribune du politologue azerbaïdjanais Fazil Zeynalov


Bakou ne souhaite que l’application du droit international
Des habitants de Ganja après un bombardement arménien, le 11 octobre 2020 © Sputnik/SIPA Numéro de reportage: 00985451_000029.

La guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan


Le 27 septembre 2020 les hostilités ont repris entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. C’est un conflit international entre deux États souverains qui dure depuis 1992, date à laquelle les troupes régulières de l’Arménie ont engagé des offensives sur toutes les lignes des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan et ont occupé près de 20% des territoires de ce dernier (partie montagneuse du Karabakh, connue plutôt comme Haut-Karabakh, ainsi que sept districts administratifs avoisinants), forçant près d’un million d’Azerbaïdjanais à quitter leurs foyers. Le Haut-Karabakh est une province historique et une partie inséparable du territoire national de l’Azerbaïdjan. Son appartenance à la République Démocratique d’Azerbaïdjan entre 1918-1920 a été reconnue par le commandement britannique des forces alliées dans le Caucase du Sud. Puis, il a été « maintenu », et non pas « attribué », au sein de la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan par le Kavbiuro (organisme de l’État soviétique crée en 1920 pour gérer le Sud Caucase) en 1921 avant d’être érigé en région autonome. 

L’utilisation illégale de la force et l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan par l’Arménie constituent un acte d’agression et une violation grave des principes et normes du droit international. Ce qui explique pourquoi aucune organisation internationale n’a soutenu l’occupation des territoires de l’Azerbaïdjan par l’Arménie.  

Tous les documents des organisations internationales reconnaissent la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et condamnent vigoureusement toute acquisition de territoires par l’utilisation illégale de la force armée. Le Conseil de Sécurité a adopté quatre résolutions (822, 853, 874, 884) demandant le retrait immédiat, complet et inconditionnel des « forces d’occupation » arméniennes des territoires occupés de l’Azerbaïdjan. En 2008, l’Assemblée générale de l’ONU a réaffirmé non seulement le retrait des forces arméniennes mais aussi l’impossibilité de reconnaître comme licite la situation créée par l’occupation des territoires. C’est un point fondamental en droit international et une condition primordiale pour la paix dans la région et dans le monde.

En 1992, une initiative de médiation a été engagée par l’OSCE (L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) en vue de trouver une solution pacifique, avec la mise en place du Groupe de Minsk, présidé depuis 1997 par les États-Unis, la Russie et la France. Les co-présidents du Groupe de Minsk ont tenté de rapprocher les positions des parties en présentant plusieurs propositions pour faire avancer les négociations. Toutes ces propositions ont rencontré l’opposition de l’Arménie qui voulait en réalité faire jouer la montre pour pérenniser le statu quo et annexer les territoires occupés. Cela explique pourquoi au cours de ces derniers 28 ans la médiation internationale s’est poursuivie sans pour autant aboutir à la moindre avancée dans le processus de paix. Les résolutions du Conseil de Sécurité sont restées lettre morte et plus d’un million de personnes déplacées ont continué de vivre dans l’attente du retour à leurs foyers, toujours sous l’occupation arménienne. Dans ce contexte, la poursuite des négociations est devenue inutile. 

Plusieurs éléments ont rendu inévitable la reprise des hostilités. Premièrement, l’absence de progrès dans les négociations a diminué l’espoir dans le processus de paix. Les co-présidents du Groupe de Minsk ont à plusieurs reprises déclaré que le statu quo actuel est inacceptable et ne permet pas d’avancer vers une solution négociée. L’Azerbaïdjan a toujours demandé la mise en œuvre d’un plan de paix par étapes, débutant par le retrait des troupes arméniennes et le retour des personnes déplacées dans leurs foyers, accompagné ensuite par l’ouverture des relations normalisées entre les deux pays conduisant à une discussion et négociation sur la définition du statut de la région concernée. Cette proposition a toujours été refusée par l’Arménie qui s’opposait à toute évolution du statu quo.

Deuxièmement, les nouveaux dirigeants arméniens ont jugé qu’il était temps de passer du statu quo au stade supérieur et procéder à l’annexion des territoires occupés tout en menaçant l’Azerbaïdjan d’une nouvelle guerre. Leurs déclarations mettent en évidence le refus arménien de toute négociation. Il n’est plus question pour l’Arménie de revenir sur les avantages acquis par une guerre, condamnée par la communauté internationale.

  • En février 2019, Davit Tonoyan, ministre de la Défense de l’Arménie, a déclaré que l’Arménie va abandonner la stratégie défensive pour adopter une stratégie offensive, en menaçant Bakou de l’occupation de nouveaux territoires azerbaïdjanais en cas de la reprise des hostilités. Il a utilisé la formule de “nouvelle guerre pour nouveaux territoires”. L’Arménie ne cachait plus son intention de mener une guerre préventive en vue d’occuper de nouveaux territoires de l’Azerbaïdjan. 
  • En août 2019, c’est au tour de Nikol Pachinian, Premier ministre de l’Arménie, à déclarer que « le Haut-Karabakh, c’est l’Arménie – point ». Par cette déclaration, il a pratiquement enterré le processus de paix, ne laissant aucune place à un compromis. Ceci a provoqué une réaction du Président de l’Azerbaïdjan Ilham Aliyev qui a rétorqué que « le Haut-Karabakh, c’est l’Azerbaïdjan – point d’exclamation ». 
  • Les provocations ont été également observées dans les territoires occupés au cours de l’été 2020. Le gouvernement arménien a ainsi décidé l’installation d’Arméniens et de Kurdes venus du Proche-Orient dans les territoires occupés, un acte illégal condamné par Bakou. Jusque-là, Erevan avait toujours nié engager une telle politique, malgré les preuves irréfutables fournies par une « fact-finding mission » de l’OSCE en 2005. Après l’explosion au port de Beyrouth, l’arrivée des familles libanaises d’origine arméniennes dans ces territoires a été filmée et diffusée largement sur les télévisions et réseaux sociaux. Une autre décision est liée au transfert du parlement de la soi-disant « République de Nagorno-Karabakh » (créée par l’utilisation de la force illégale, elle n’est qu’une façade pour cacher l’agression armée de l’Arménie) à Choucha, ville historique et sainte azerbaïdjanaise. Avec la multiplication de ce type de provocations, les dirigeants arméniens cherchaient de toute évidence à nier et effacer la réalité azerbaïdjanaise de cette région et à rendre irréversible l’occupation territoriale. 
  • Les déclarations arméniennes se sont ostensiblement exprimées contre l’esprit des négociations dont la base minimale d’engagement impliquait le retrait des forces d’occupation arméniennes des territoires azerbaïdjanais. 

Troisièmement, l’Arménie a toujours cherché à influencer l’opinion mondiale, en s’appuyant sur l’importance de sa diaspora pour lui apporter le soutien international nécessaire. Sa stratégie est de promouvoir une forme d’hostilité internationale constante contre l’Azerbaïdjan, afin de conduire Bakou à reconnaître de facto l’occupation d’une partie importante de son territoire national et à régler seule la question de ses réfugiés nationaux dépouillés de leur terre, de leurs biens et de leur histoire. 

Finalement, l’Arménie a rapidement mis en œuvre sa nouvelle stratégie offensive. Le 12 juillet 2020, les troupes arméniennes ont attaqué, depuis le territoire de l’Arménie, le district frontalier de Tovuz, où passe les oléoducs et gazoducs acheminant les ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan et de la Mer Caspienne vers les marchés européens. L’objectif stratégique de l’Arménie est d’occuper de nouveaux territoires et de couper en deux ce couloir pour stopper l’exportation des ressources énergétiques de l’Azerbaïdjan. Ces attaques ont échoué face à la résistance de l’armée azerbaïdjanaise qui s’est contentée de repousser l’armée arménienne. Elle s’est gardée d’intervenir sur les territoires de l’Arménie car l’Azerbaïdjan n’a pas pour ambition d’occuper les territoires de l’Arménie ; sa mission est de défendre le territoire national et de le libérer de l’occupation étrangère. 

Dans ces conditions, l’Arménie n’a jamais cherché une solution pacifique, basée sur la formule « gagnant-gagnant », et a voulu transformer l’occupation illégale des territoires azerbaïdjanais en un fait accompli et procéder en violation des principes et normes du droit international à leur annexion pure et simple (il s’agit des territoires du Haut-Karabakh et des sept districts avoisinants). Elle a même considéré qu’il était temps d’infliger une défaite militaire, mais aussi économique, à l’Azerbaïdjan. Dans cette optique, la reprise des hostilités n’est pas surprenante. Le bombardement des zones résidentielles près du front par les troupes arméniennes a déclenché une réaction de l’armée azerbaïdjanaise qui, sur la base du droit de légitime défense et des résolutions du Conseil de Sécurité, s’est engagée à mettre fin à cette menace permanente de tirs de missiles et d’artillerie lourde, mais aussi, puisqu’aucune solution pacifique n’est engagée, à libérer les territoires occupés illégalement par l’Arménie.

La recherche d’une solution pacifique passe par l’application des quatre résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. La communauté internationale doit prendre sa responsabilité et assurer le respect des principes et normes du droit international pour favoriser la paix qui suppose le retrait des troupes arméniennes et la fin de l’occupation illégale des territoires azerbaïdjanais.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent « La guerre culturelle est déclarée »
Article suivant À la mémoire de Samuel Paty, professeur
Docteur en sciences juridiques de l’université Pierre Mendes-France, enseignant-chercheur à la faculté de droit de l’Université de Bakou.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération