Êtes-vous lassés par tous ces artistes qui ont tourné le dos au réel? Courez à la galerie Filles-du-Calvaire à Paris voir l’exposition de Thomas Lévy-Lasne! Ancien pensionnaire de la Villa Médicis à Rome, l’artiste nous présente un ensemble inédit de peintures et de dessins. Vite, cela se termine le 24 octobre.
De retour de l’Académie de France à Rome (villa Médicis), Thomas Lévy-Lasne propose une exposition particulièrement brillante à la galerie Filles-du-Calvaire. Le rez-de-chaussée, tout en noir et blanc, est consacré aux fusains et gravures. À l’étage, dans la lumière de la verrière, les couleurs des huiles prennent toute leur ampleur.
Ce quadragénaire a des dons multiples. Il a fait du cinéma. Il a organisé un colloque remarqué au Collège de France en 2014. Enfin, il a abondamment sillonné l’histoire de l’art, notamment en compagnie d’Hector Obalk dont il était le collaborateur. Cependant, c’est avec la peinture et le dessin qu’il entend principalement s’exprimer.
Beaucoup d’artistes figuratifs du xxe siècle ont joyeusement tourné le dos au réel : coloris pétaradants, empâtements qu’on croirait sortis d’une bétonnière, compositions délirantes, références analytiques ou politiques à gogo, etc. Ils souhaitaient que la peinture sortît entièrement de leur tête. Ils voulaient ne rien devoir au réel, ne jamais prendre le risque d’être perçus comme trop photographiques. C’étaient de vrais créateurs, croyait-on. Cependant, à la longue, cette peinture très artificialisée est devenue fatigante. C’est comme une cuisine qui serait entièrement concoctée avec des arômes et des colorants chimiques. C’est créatif, si on veut, mais c’est trafiqué. Au bout du compte, on a envie de retrouver des saveurs plus vraies.
L’humilité de se tourner vers le monde
Quelque chose de cet ordre pousse à une sorte d’humilité une nouvelle génération d’artistes. La modestie, c’est d’abord le fait d’être moins certain de l’intérêt de ses moindres vagissements. C’est ensuite le désir d’être plus attentif à la beauté et à la complexité du monde.
Thomas Lévy-Lasne est emblématique de cette sensibilité. Il observe, il dessine et il peint patiemment. S’il s’attaque au Bosco, petit bois dans l’enceinte de la Villa Médicis, c’est pour en observer le plus mince rameau, c’est pour rendre la façon dont les branchages se perdent dans l’obscurité ou se fondent dans la lumière, c’est pour saisir à la fois les détails et ce qui les lie. L’art de Thomas Lévy-Lasne est porté par un authentique désir d’explorer les formes du monde.
Pour ce qui est des dessins et gravures, les matières très réussies communiquent un lyrisme sourd à ses compositions. Pour la peinture, la facture est encore proche de l’hyperréalisme, mais on devine une évolution en gestation. Ici et là, il apporte une note ironique sur notre époque, comme avec ces touristes qu’on retrouve de toile en toile, confrontés sur un mode anodin à la gravité de l’histoire. Gageons que cet artiste va continuer à réserver de belles surprises.
À voir absolument : Thomas Lévy-Lasne, Galerie Filles-du-Calvaire, Paris, jusqu’au 24 octobre. 17, rue des Filles-du-Calvaire 75003 Paris.
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