Le nouveau best-seller international de l’écrivain et journaliste, La Grande Déraison, sort en français. Après avoir anticipé le tsunami de folie qui vient de déferler sur nous, il engage le combat contre la gauche radicale et invite la majorité silencieuse à faire preuve de courage et à résister aux injonctions de la cancel culture.
Nous vivons à l’époque de La Grande Déraison, titre du nouveau livre de Douglas Murray. Depuis la publication en anglais de ce best-seller international, il y a un an, le monde, de l’Amérique à l’Australie en passant par la vieille Europe, a subi toute l’explosion carnavalesque des folies progressistes dont son ouvrage est le vade-mecum : « cancel culture », accusations de transphobie ou de racisme systémique, délires sur le privilège ou la fragilité des Blancs, autodafés des livres de J. K. Rowling, appels à définancer les forces de l’ordre accusées de génocide, politiciens et PDG mis à genoux, pillage « paisible » de magasins en pleine pandémie, carrières brisées par des hordes twitteuses, manuels d’histoire et de sciences déchirés, enfants encouragés à modifier leur corps par la chimie, statues et réputations réduites en poussière… Toutes ces expressions pathologiques de la nouvelle folie collective, il les avait déjà cataloguées en patient taxonomiste ; il les avait disséquées et analysées en médecin légiste ; et, dans leurs entrailles, en aruspice, il avait lu notre avenir commun. Depuis, en hussard, il combat ces délires dans un conflit qui n’est pas une simple bataille de mots ou d’idées, mais une guerre culturelle où il faut contrer les fantasmes par la logique, contre l’hystérie par le flegme, contre les menaces par une résolution inébranlable.
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De ce côté de la Manche, on l’a souvent qualifié de Zemmour anglais. Certes, les deux hommes partagent une intelligence redoutable, un amour robuste du débat et un style limpide qui maîtrise autant la séduction que la verve satirique. Cependant, le Français, qui représente trop souvent dans son propre pays une voix isolée, est obligé de ruer dans les brancards médiatiques, de choquer son public – même celui qui vote à droite – pour le réveiller. L’Anglais a l’avantage de prendre sa place dans la longue tradition du conservatisme britannique qui s’incarne, non seulement dans des philosophes comme Edmund Burke ou Sir Roger Scruton (dont Murray est l’héritier direct), ou des politiciens-écrivains comme Disraeli et Churchill, mais aussi dans toute une série d’institutions et de symboles très anciens. Pour tout dire, il est plus facile d’être réactionnaire outre-Manche. Murray, qui est rédacteur adjoint au vénérable hebdomadaire The Spectator, écrit dans de nombreux journaux et revues à travers le monde anglophone et s’invite dans les chaînes YouTube d’analyse politique les plus en vue. Où qu’il soit et quelle que soit la réaction de ses lecteurs ou interlocuteurs, il ne se départit jamais de ses bonnes manières et de son égalité d’humeur, ce qui fait rager encore plus ses ennemis. De ceux-ci, il a foultitude. Les moins impolis le traitent d’« aristo rétrograde » et qualifient son nouveau livre de « diatribe réac ». Ses détracteurs dans la communauté LGBT l’accusent de « ne pas être vraiment gay », lui qui a toujours assumé sa sexualité. Ses adversaires les plus irréductibles le poursuivent des pires menaces et beaucoup d’entre eux sont très loin de plaisanter.
Si le Royaume-Uni possède l’avantage d’un conservatisme inné par rapport à la France, celle-ci a d’autres atouts. Moins perméable à l’influence américaine, protégé dans une certaine mesure par ses valeurs laïques et universalistes, l’Hexagone essuie les vagues des nouvelles idéologies néfastes avec un retard appréciable. Pour cette raison, Murray a toujours une longueur d’avance sur ses collègues continentaux. Son précédent best-seller, L’Étrange Suicide de l’Europe, cible l’islamisme et son influence grandissante en Europe. Cette enquête majeure parue en 2017 fait suite à de nombreuses autres publications consacrées au même sujet, dont le désopilant Islamophilia, sorti en 2013, et des travaux conduits pour les différents think tanks qu’il a fondés ou codirigés, comme le Centre pour la cohésion sociale ou la Henry Jackson Society. Pour comprendre les racines de ce combat, on lira Neoconservatism : Why We Need It (« le néoconservatisme et pourquoi nous en avons besoin »), paru en 2005, quand il n’avait que 26 ans. Son éclectisme lui permet de ne pas se limiter à la polémique ou à la théorie. Il a notamment consacré un livre à la tragédie du « dimanche sanglant », ce jour de janvier 1972 où les soldats britanniques ont tiré sur 26 manifestants pacifiques à Derry, en Irlande du Nord. Épluchant les vastes archives laissées par l’enquête officielle conduite en 1998, citant les témoignages de protagonistes et de parents de victimes, son Bloody Sunday, sorti en 2011, a été largement salué par la critique pour son empathie et la justesse de son jugement.
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Plus curieux encore, Murray avait fait irruption sur la scène littéraire en 2000, à l’âge de 21 ans, avec la publication d’une biographie de Lord Alfred Douglas, poète et amant d’Oscar Wilde. Bosie, le surnom de Douglas, a été écrit alors que Murray était étudiant au Magdalen College, une de ces institutions médiévales qui font partie de l’université d’Oxford, dans les lieux mêmes où Wilde et Douglas ont étudié. Murray me confie qu’il sera ravi de voir ce premier titre republié cette année, maintenant qu’on ne le traitera plus de « précoce ». Pourtant, même au milieu du tohu-bohu des luttes idéologiques et des polémiques acharnées, il conserve l’aura d’un littéraire, d’un esthète, aussi rigoureux dans la construction d’un argument que dans le choix d’une épithète. Quand je l’interroge sur ses antécédents écossais, il avoue que son père est originaire de l’île de Lewis, tout au nord de l’Écosse, exactement comme la mère de Donald Trump. Un ami américain lui aurait dit en plaisantant que dans ses veines doit couler le sang de ces guerriers scandinaves qui ont ravagé et peuplé cette partie du monde. Murray est peut-être bien un Viking de la guerre culturelle, mais alors un Viking d’une politesse exquise.
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