Pourquoi l’œuvre d’Helmut Newton est-elle toujours aussi subversive ? La réponse à cette question saute au visage et aux sens de tout visiteur de la rétrospective du Grand Palais : les images suintantes de désir, qui sont un plaidoyer pour le corps dense, puissant et magistral de la femme, la tension érotique joyeusement transgressive qui transpire de certains clichés, troubleront à jamais ses nuits.[access capability= »lire_inedits »] À l’heure du maigre, du « light », du jeune, de l’unisexe, Helmut Newton nous offre des corps de femmes mûres, des poitrines découvertes, des jambes d’amazones qui n’en finissent plus et des poses conquérantes. Qui peut rester de marbre devant la photographie de son épouse June Newton, prise à Paris en 1972[1. Du 27 juin au 2 septembre, la Maison européenne de la photographie présente une rétrospective consacrée à son épouse, June Newton, alias Alice Springs, photographe de renommée internationale.] ? On la voit allumer une cigarette à table, le col entrouvert de sa robe laissant apparaître deux seins hypnotiques, un verre de vin posé devant elle.
On ne dira jamais assez l’émoi que suscite la métaphysique de la fille à poil. Rien à dire, la femme nue est l’avenir de l’homme. Attention, il ne s’agit pas de la nudité chirurgicale de certaines revues pornographiques, ni de celle, faussement érotique, des géants de la cosmétique, mais de ce mélange de vulgarité maîtrisée et d’esthétisme flamboyant qui est un catalyseur de sentiments.
Tout au long de sa vie, Newton a photographié les femmes qu’il désirait, et portraituré les rich and beautiful qu’il suivait de Paris à Saint-Tropez, de Monte-Carlo à Los Angeles où il est mort, au volant de sa Cadillac, à 83 ans. Qu’il habillât ou déshabillât, cet orfèvre de la mise en scène ignorait les convenances, comme en témoigne cet inoubliable cliché de 1976 où l’on voit Catherine Deneuve, clope au bec, déshabillé tombant et regard provocant.
Percutante, brutale, sa photo met K.O. celui qui la regarde. « Je n’aime ni la gentillesse ni la douceur », disait-il. Les amateurs d’art édifiant feront mieux de passer leur chemin: « Il n’y a aucun message dans mes photos, disait-il. Elles sont simples et n’ont pas besoin d’explications. » Newton ne cherchait pas à changer le monde, ni à en révéler la misère. Qui oserait parler ainsi quand les galeries sont emplies des œuvres de penseurs incompris ? Newton a tout pour désespérer les critiques en quête de sens : « La seule chose à dire sur mes photos, observait-il, c’est qu’elles ne sont jamais floues. »[/access]
Exposition Helmut Newton, « La star des photographes », au Grand Palais de Paris, galerie sud-est, prolongée jusqu’au 30 juillet.
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