Ce qu’il y a de plus surprenant avec Woody Allen, c’est qu’il ne nous déçoit jamais totalement. Juste un peu. Que ce soit à Barcelone, à Paris ou à Rome, il court au-devant des clichés de manière si primesautière qu’on le suit malgré nous en se disant : » Mais le pauvre, à son âge, il finira quand même par faire un faux pas. » Eh bien non : ce qu’il a perdu en profondeur, il l’a gagné en virtuosité. Il nous offre du Woody Allen avec une telle fantaisie qu’on est subjugué. J’étais avec lui à Rome, je l’accompagnerai demain à Berlin ou à Vienne. Les souvenirs du Troisième Homme et la Grande Roue devraient l’inspirer.
Il est exceptionnel qu’on ne se lasse pas d’un compagnon de voyage aussi grincheux et ressassant. Il nous sert toujours le même plat, savamment dosé de coups de foudre foireux, de quiproquos cauchemardesques, de sarcasmes légers, le tout saupoudré de psychanalyse et relevé par une musique ad hoc. La méthode est éprouvée et elle n’est jamais éprouvante. Une forme de grâce. Je plains celles et ceux qui n’y sont pas sensibles. Sans doute n’aiment-ils ni les cartes postales, ni les situations incongrues et moins encore une désinvolture plus élégante qu’il n’y paraît. C’est pourtant ce qui donne tout son sel à l’existence. Et comment oublier cette requête géniale de Woody demandant à Freud de le rembourser ? Voilà au moins ce que je ne lui demanderai jamais.
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