La hausse ridicule, voire insultante du SMIC, qui se limite à un carambar par jour pour les smicards à temps plein, méritait bien que le gouvernement fasse un peu rouler ses petits muscles sociaux sous sa couche adipeuse européisto-orthodoxe.
Ainsi vient-il d’entamer une héroïque bataille du gaz comme il y eut dans la résistance une glorieuse bataille du rail menée par les cheminots FTP. On n’en est pas, du côté de Jean-Marc Ayrault, à vouloir faire sauter les oléoducs, renationaliser GDF, fusiller pour sabotage économique les actuels dirigeants ou même, comme Chavez, à livrer gratuitement en pétrole les pauvres étasuniens qui ne peuvent plus se chauffer pour l’hiver. Non, il ne faut pas rêver. La deuxième gauche, qui domine si visiblement l’actuelle équipe au pouvoir et s’apprête, sous couvert de renouveler la concertation sociale, à privilégier le contrat sur la loi, ce qui donne des extases de bonheur à madame Parisot, cette deuxième gauche, quand elle veut taper sur la table, elle le fait poliment car elle a trop peur de se faire mal au poing. Ou de casser la table, ce qui serait mal vu par les marchés.
Mais sur la question du gaz, il semblerait que le soupçon d’une ébauche d’un commencement de résistance ait lieu.
Rappelons les faits. François Fillon, à l’époque lointaine où il était premier ministre, avait en octobre 2011, gelé le prix du gaz. Evidemment, on privatise par idéologie parce qu’on croit que toute privatisation profite au consommateur, argument qui fait rire aux larmes les usagers du chemin de fer anglais. Mais après, on est bien embêté parce qu’on a remplacé un monopole d’état par un monopole privé et que le monopole privé préfère le profit pour ses actionnaires au service aux usagers.
Or, quand on est pauvre, le gaz ne sert pas seulement à se suicider mais aussi à se chauffer, voire à faire cuire la junk food achetée au supermarché hard-discount du coin. François Fillon avait donc bloqué les prix du gaz en souvenir du gentil gaulliste social qu’il était du temps de Philippe Seguin. Seulement, l’arrêté Fillon sur le blocage des prix ne portait que sur le dernier trimestre 2011. A peine élu, le gouvernement Ayrault avait annoncé une augmentation limitée à 2%, histoire de rester dans les clous de l’inflation générale.
Oui, mais voilà que le conseil d’Etat vient d’expliquer à Delphine Batho qu’il faut respecter les intérêts de GDF Suez et qu’elle a un mois pour prendre un arrêté fixant la hausse à 8, 8% voire 10% selon les abonnements. Ca fait tout de même 40 euros d’augmentation par facture pour un ménage qui se chauffe au gaz, sachant que le SMIC a été augmenté d’une vingtaine d’euros qui se réduisent à 6 euros hors inflation.
Apparemment, Delphine Batho a moyennement envie de céder à l’injonction du Conseil d’Etat. Elle a contre-attaqué en déposant un projet d’arrêté limitant la hausse du gaz à celle de l’inflation. Et en plus, elle a demandé « une révision des modes de fixation des tarifs réglementés, ainsi que des mesures rapides concernant la lutte contre la précarité énergétique ».
Grâce à Delphine Batho, cet hiver, les smicards pourront faire des tartes au carambar sur leurs brûleurs au gaz. Merci qui ? Merci Delphine.
*Photo : Sylvain Naudin
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