On peut ne pas avoir réussi à lire son roman : Femmes. On peut avoir jugé sa guerre du goût un peu convenue. On peut avoir trouvé pathétique son autopromotion systématique. On peut avoir été consterné par son lacano-maoïsme. Mais on ne peut nier que Philippe Sollers est un vrai écrivain et, de surcroît, un éditeur avisé. Il excellait dans les chroniques pétillantes d’intelligence qu’il donnait une fois par mois au Journal du Dimanche. Désormais, nous serons privés de ce plaisir rare : lire les commentaires d’un esprit impertinent sur l’actualité, comme François Mauriac l’avait fait dans L’Express ou Gabriel Matzneff dans Les Nouvelles Littéraires.
Ce qui est surprenant, ce n’est pas qu’il ait été congédié par les nouveaux occupants de l’Élysée, mais le silence assourdissant de la presse sur ce qui, sous Sarkozy, aurait été dénoncé comme de la pure crapulerie et aurait fait de Sollers plus qu’un écrivain pour bobos : un Hugo du XXIème siècle prêt à s’exiler pour Venise. Bref, on ne peut qu’adresser une requête à ceux qui nous dirigent : rendez-nous Philippe Sollers. Son style incisif nous manque. Certes, les vrais écrivains sont toujours imprévisibles et leurs coups de griffe peuvent blesser, y compris la Première Dame de France. Est-ce une raison pour les congédier de manière aussi cavalière ? Ou considère-t-on qu’ils n’ont qu’une fonction : être les larbins du pouvoir ? Un pouvoir aujourd’hui d’autant plus étrange qu’il semble avoir pour principale ambition de plonger la France dans une douce léthargie, voire une récession mentale. Au moins Sollers nous préservait-il de cet état semi-comateux.
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