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Fausse intégration, vraie désintégration


Je ne me rappelle plus quand je suis devenu passible de l’accusation de racisme, mais je dois me rendre à l’évidence : en observant ce que notre société dénonce et condamne aujourd’hui comme tel, je réponds aux critères. Cela n’a pas toujours été le cas.

J’en garde un vague souvenir mais, vers l’âge de 12 ans, j’ai été bouleversé par la lecture de Black Boy, histoire d’un petit garçon noir grandi aux États-Unis écrite par Richard Wright, dans laquelle je m’étais plongé un peu par erreur, confondant l’auteur avec son homonyme, clavier des Pink Floyd. L’un des premiers romans où je trouvais un frère, une âme proche, l’histoire d’une solitude, d’un isolement qui avait touché l’adolescent introverti que j’étais alors. Plus tard, je découvris Chester Himes, dont je lus quelque temps les enquêtes policières menées par ses deux fameux gros flics de Harlem, avant de réaliser, avec ses récits plus autobiographiques, dont S’il braille, lâche-le !, témoignage poignant d’un racisme vécu, que l’auteur était noir. Je me souviens encore d’un voyage en Afrique, des pistes du Bénin et du Niger où, tassé dans un taxi-brousse avec beaucoup plus d’Africains que le minibus pouvait en contenir, j’étais ballotté et ravi. Enfin, je n’oublie pas les nombreux compagnons de travail noirs ou arabes croisés sur des chantiers, le lien tissé sans dire un mot par le labeur partagé, infiniment plus engageant que celui qui me rapprochait du client ou de l’architecte, pourtant « frères » de couleur. Étais-je raciste alors ? Sans doute non. Le suis-je devenu ? À entendre les antiracistes, il semblerait que oui.[access capability= »lire_inedits »]

Depuis ces années où Lévi-Strauss parlait avec Mitterrand de ce fameux « seuil de tolérance » que l’on estimait alors autour de 10%, certaines choses ont changé. Le racisme, l’immigration, la tolérance ? Sans doute un peu tout ça.

Plus personne ne défend des théories sur la supériorité d’une race sur une autre : il suffit de comparer Barack Obama à Franck Ribéry pour comprendre combien tout cela fut idiot. Mais le racisme a changé. Aujourd’hui, est tenu pour raciste celui qui dénonce les dangers d’une immigration de peuplement ou, pire, celui qui commence à douter que certaines populations, venues du tiers-monde hier ou il y a trois générations, puissent devenir pleinement françaises un jour. Je suis de ceux-là. À moins d’élargir l’idée France à un tout qui ne contiendrait plus rien, à un passeport assorti de revendications et d’une toute nouvelle arrogance, je ne crois plus au leurre de l’intégration. Je parviens de moins en moins à distinguer nombre de ces néo-Français de leurs anciens compatriotes restés au pays. Ceux-là, même en pariant sur l’avenir avec toute la force de mon optimisme, je n’arrive plus à les voir comme des Français, même en devenir. Je ne vise pas seulement ici l’islam politique, hostile et menaçant, ni même la délinquance surreprésentée ethniquement, mais les modes de vie adoptés par des communautés par ailleurs pacifiques, dont certains membres travaillent et payent des impôts. Pour le raciste version 2012 que je suis manifestement devenu, l’intégration ou l’assimilation sont des illusions plus grossières encore que la promesse transsexuelle.

Un homme ne devient pas femme par simple ablation du pénis. Mais un individu né par erreur anatomiquement homme mais psychologiquement femme peut, si l’on croit ceux qui l’ont vécu, retrouver une unité de genre par la chirurgie. On ne devient pas non plus français d’un coup de tampon, on acquiert tout au plus le droit d’essayer de le devenir. Pour cela, il faudrait que la France ne soit pas seulement un choix de la raison, mais aussi un élan du cœur – celui-ci pouvant d’ailleurs naître de celui-là, mais à condition de ne pas attendre trop longtemps. Or, je ne vois pas beaucoup d’Afro-Français nés par erreur au Mali ou au Sénégal car habités par un goût pour la culture ou les mœurs occidentales, soucieux de prendre exemple sur les anciens Français pour adapter leur comportement aux usages en cours ici. Je vois peu d’Arabo-Français attirés sur notre sol par leur penchant pour la galanterie et quittant leurs terres natales pour tourner le dos à l’endogamie ou au mariage forcé. Il semble au contraire que les immigrés d’aujourd’hui soient bien plus soucieux de préserver leurs coutumes que ceux d’hier, car je vois, en traversant ma banlieue, de plus en plus de femmes voilées, de mères de familles nombreuses en boubous, de grappes d’hommes aux terrasses des cafés qui laissent les joies de la parité à d’autres, de voyageurs dans le RER qui gueulent dans leur dialecte, dans leur téléphone et dans les oreilles de leurs compatriotes sans la moindre gêne. Théoriquement, la grossièreté est assez largement partagée ; pratiquement, dans l’espace public, au moins d’après mon expérience, ceux qui en abusent ne sont pas les « Souchiens ».

Si des imbéciles heureux et dogmatiques pensent encore que nous avons de la chance d’accueillir toutes ces richesses, pour de nombreux Français, l’intégration est un échec. Sont-ils arrivés trop nombreux et trop vite ? Avons-nous été nous trop peu exigeants ? Il est un peu tard pour répondre à ces questions. À présent que des milliers de Français et de Françaises en droit, car parfaitement en règle, croient aux superstitions vaudoues ou pratiquent un christianisme de transes, ne sortent que voilées et ne mangent que halal, il est devenu très difficile de rejeter ces usages comme n’étant pas français sans être accusé de racisme. Je persiste à penser que ce n’est pas moi qui ai changé mais les discours sur ces questions. « La France, c’est nous ! » proclamait il y a peu une affiche de SOS Racisme. « Nous sommes français, nous n’avons ni à nous intégrer, ni à nous assimiler », déclarait dans la presse un collectif d’activistes de la diversité. En somme, un fossé se creuse entre le projet de ces enfants d’immigrés pour la France et ce que je veux en garder. Si dans toute critique ou rejet des pratiques culturelles d’autrui qui font, de mon point de vue, régresser ma société, on ne voit plus qu’intolérance et racisme, me voilà à mon tour transformé par l’intolérance grandissante à la critique d’une société qui devient multiculturelle en intolérant et raciste. Ce chantage devient fatigant et, au risque d’aggraver mon cas, je commence à me demander si, finalement, ce n’est pas plutôt l’émigration (de certains néo-Français) qui serait une chance pour la France.[/access]

*Photo : islamicus

Juin 2012 . N°48

Article extrait du Magazine Causeur



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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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