Le coup de gueule de Sophie de Menthon contre le prêt-à-penser qui nous corsète, et ces vérités alternatives qui gangrènent paradoxalement le débat public.
La censure gagne sous d’admirables prétextes : la bienveillance, la tolérance, la crainte de discriminer, le respect de l’altérité…
Les médias sont magnifiques d’unanimisme et de bons sentiments pour excuser, plaindre… ceux qui sont « les plus à plaindre », et il convient surtout de considérer que tout ce qui peut sembler critique n’a pas le droit d’être exprimé, car seule la société dans son ensemble peut être coupable. L’individu est exempté de responsabilité individuelle. Plus de responsables ni de coupables, juste des victimes ; sauf bien sûr les politiques (là, on y va !).
Rouvrez les cafés !
Mais le pire, c’est que nous en sommes venus à nous censurer nous-mêmes. Le prêt à penser a gagné. Pour être certain de ne pas se tromper, il faut dégouliner de bons sentiments, inversement proportionnels à l’exaspération qui monte. La majorité silencieuse (très silencieuse et très majoritaire) se cache derrière son petit doigt. Le café du commerce, qui avait du bon en ce qu’il libérait la parole sans ameuter les populations et sans menaces de mort, ne remplit plus sa fonction régulatrice à base de bon sens populaire et d’échanges humanisés.
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Que ce soit au plus haut niveau, entre soi, à la télévision ou dans la presse, on se censure avec le sentiment ainsi d’être vertueux. Dire la vérité est une agression : « C’est vrai ! mais on ne peut pas le dire ». L’hypocrisie et le mensonge ont gagné leurs lettres de noblesse. C’est une nouvelle forme de charité qui ne coute pas cher, évite bien des ennuis et surtout dispense d’avoir le courage d’affronter les choses. Cachez ces « incivilités » que je ne saurais voir ! Tartuffe est décidément un brave homme. À l’inverse, les réseaux sociaux deviennent la source crédible des indignations, la démocratie des opinions y a trouvé un nouvel et hasardeux équilibre… La vérité scientifique elle-même est devenue relative. « C’est faux, mais j’ai le droit de le penser ».
L’ère des vérités alternatives
Quel que soit le domaine, social, économique ou sociétal, il faut satisfaire d’abord au besoin de la communication avec des promesses immédiates. Le traitement du fait divers et de l’irritation quotidienne des réseaux sociaux est une activité gouvernementale à part entière. Il faut tout justifier. La France donne des aides ? Donc pas de licenciements, affirme-t-on d’une voix forte… mais bien sûr que si, les aides n’empêcheront pas tous les licenciements, tout le monde le sait, mais ce n’est pas audible, chuchote-t-on. De même, qui va payer le creusement de la dette colossale de la France ? Chut ! Elle est enfouie sous le tapis.
Les chiffres ? Ils n’intéressent plus personne, ils sont devenus par principe discutables : tout le monde a les siens et ses propres sources. On en produit de plus en plus. Mais ne s’abstient-on pas de communiquer les « vrais » ?
Scandaleux de dire qui peuple nos prisons ? Rien que de se poser la question, on se sent coupable de discrimination et de racisme…
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Le mot « normal » ne peut plus être utilisé, c’est un gros mot ; la normalité n’existe pas, puisque cela sous-entendrait qu’il y a des anormaux. Tout est légitime, tout est acceptable. On n’a pas le droit par exemple de s’opposer à tout ce qui concerne les « progrès » en matière de procréation et à peine de le penser : archaïque, discriminatoire, liberticide. La société se gère par la loi et peu importe les contradictions. Le congé de paternité est allongé parce que le père est indispensable dans les premiers jours « au développement neuronal du bébé »… mais la loi autorise les femmes à faire des bébés toutes seules par insémination. Allez comprendre !
Un ministre accusé de viol est forcément coupable même si plusieurs jugements successifs le lavent de tous soupçons, ce ne sera d’aucun secours face à la seule vérité qui compte : l’opinion des extrémistes féministes.
La vérité est devenue une opinion comme les autres.
La nuance est une trahison.
Les mots doivent se contorsionner devant une réalité qui dérange.
Il reste alors la violence et la rue…
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