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Mon aventure avec « Valeurs actuelles »

Un goût de reviens-y


Mon aventure avec « Valeurs actuelles »
Image d'archive © A. Gelebart / 20 MINUTES/SIPA Numéro de reportage: 00664152_000010

Suite aux accusations de racisme dont le magazine Valeurs actuelles fait l’objet depuis la publication d’une fiction mettant en scène la députée Danièle Obono dans la peau d’une esclave africaine, le numéro s’arrache.


Ça y est j’ai passé le cap. Dans une grande ville à l’avant-garde de la diversité, je me suis quasiment excusé auprès de la kiosquière, une quarantenaire d’origine nord-africaine. « Ils en parlent à la télé », lui ai-je chuchoté en payant le journal à la réputation sulfureuse. Elle semblait n’en avoir cure, elle a juste souligné: « cinq euros cinquante! La presse ils exagèrent ». C’est vrai que c’est un peu cher.

A voir sur REACnROLL: Charlotte d’Ornellas: « L’affaire Obono a soudé la rédaction de Valeurs actuelles »

M’attendant à rencontrer l’évangile de la « fachosphère », je dois confier que j’ai été déçu. « Ensauvagement » : itinéraire d’un mot piégé. J’ai trouvé un papier fort pédagogique signé par un dénommé Victor-Isaac Anne, j’y ai appris que le terme « ensauvagement » a été théorisé par la politologue Thérèse Delpech. Qu’ils soient tous les deux remerciés. Puis j’ai découvert une compilation des faits de violence qui ont plombé notre été. C’est vrai que sur six pages, cette lecture peut être encore plus anxiogène que la revue de presse internet fdesouche. Seulement n’en déplaisent à ceux qui se pressent de traiter Valeurs actuelles de torchon pour soigner leur réputation, tous ces faits sont vrais. Et dans la presse, est-ce vraiment mal de relater la réalité? Je ne crois pas. Pour ceux qui veulent une vision plus lyrique de la vie il reste heureusement la littérature, notamment romantique. Chateaubriand évidemment. Ou Victor Hugo, pour les inconditionnels des intellectuels de gauche.

Un instant de détente m’a été permis par une instructive enquête sur les pickpockets qui font les poches des touristes dans les musées parisiens. N’importe qui à Paris sait que des pickpockets, souvent roumains, se donnent à cœur joie de piller les touristes étrangers, souvent asiatiques, ou simplement les étrangers amoureux de la patrie de la féminité et des bonnes mœurs, comme cet Iranien vivant en France depuis vingt-cinq ans et qui ne se sent plus en sécurité au Musée du Louvre. Merci aux auteurs de l’enquête pour avoir recueilli ce précieux témoignage. Venons en donc au fameux roman de l’été, ces sombres pages qui passionnent les acteurs de la grande marche du monde hexagonal. Je ne comprends pas pourquoi Harpalus se cache derrière un pseudonyme, son récit est fort distrayant et bien ficelé. Un récit offensant? Que les belles âmes qui portent Sade, Céline ou même Voltaire au pinacle relisent ces derniers et elles comprendront ce qui est vraiment offensant.

Quant aux illustrations, hormis l’expression à la fois bébête et satisfaite d’elle-même de Danièle Obono qui orne le haut de la couverture du magazine, qu’y a-t-il de malveillant? Il va falloir m’expliquer comme à un cancre en quoi représenter des esclaves noirs enchaînés est raciste. Oui, le « y’a bon » de Banania a de nos jours un parfum raciste, oui, Tintin au Congo a de nos jours un parfum raciste. En revanche, je n’ai vu, sans doute comme nombre d’entre vous, rien de négrophobe dans ces illustrations dont les lavis ont évoqué en moi les maîtres du neuvième art que sont Bilal ou Manara. À l’ère de la susceptibilité reine, il serait bon que certains se détendent au lieu de s’indigner pour de telles futilités. Sans vouloir prendre la posture de sermonneur, on rappellera quand même que dans l’indifférence générale, Boko Haram ne cesse de terroriser les civils du Cameroun, du Niger, du Nigeria ou du Tchad.

Je tiens donc à remercier Danièle Obono de m’avoir fait découvrir Valeurs actuelles sur papier. Ma modeste aventure avec ce magazine honni m’a laissé comme un goût de reviens-y…



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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