Il n’existe pas de virus ou de microbe libertin : chaque fois qu’une épidémie a déferlé, les populations se sont réfugiées dans la vertu la plus stricte, la plus étroite, la plus rétrograde. La peste de 1666 à Londres a redonné un élan aux anciens puritains que la Restauration avait fait taire — pensez, une capitale détruite en l’an Mille + 666, le chiffre de la Bête, sous le gouvernement d’un roi catholique et / donc débauché. On pendit un boulanger français, suspect d’avoir embrasé la ville.
Parfois, malgré la virulence de l’épidémie, quelque chose des anciennes mœurs surnage. L’épidémie de SIDA n’a pas incité tout le monde à renfourner dans sa culotte ses bonnes intentions — pas même à sortir systématiquement couvert. Les ex-soixante-huitards, qui avaient pourtant bien des débauches à se faire pardonner, n’ont pas rengainé leur libido. C’est qu’ils arrivaient d’une époque où la révolution leur fournissait un élan et une transcendance.
Masques. Les adeptes féminines de la religion de paix et d’amour se sont saisi de l’occasion pour se masquer jusqu’aux yeux. Mais ce sont celles qui n’en portent pas que l’on verbalise
La récession, en revanche… Le coronavirus déboule dans un univers d’individualisme vide. Les marchands ont cru que les promesses informatiques suffiraient à faire rêver les nouveaux jeunes. Peine perdue. Nombre d’entre eux se sont réfugiés dans les jupes des religions les plus rétrogrades, l’islam ou les églises évangéliques, quand il ne s’agit pas carrément de sectes qui promettent le bonheur ici et le nirvana là-bas.
A donc germé dans les têtes les plus faibles l’idée que la dernière épidémie à la mode était une punition (divine, forcément divine) de nos débauches passées. « OK, boomer ! », le cri de ralliement de tant de jeunes imbéciles, n’a pas d’autre sens : ils en veulent terriblement à ces sexagénaires qui se sont tant amusés.
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Il est tout de même frappant que conjointement à la contagion en cours (qui n’est pas l’abomination dont les médias nous rebattent les oreilles, mais c’est une autre histoire) des initiatives bien étranges, dans un pays aussi libéré que le nôtre, témoignent d’une étroitesse d’esprit à proprement parler puritaine. Un décolleté trop plongeant dans un supermarché ? Un vigile, outré dans sa croyance en la vertu des femmes, rembarre la jeune femme qui voulait faire ses courses. Des seins nus sur une plage ? Des gendarmes verbalisent la dame, qui n’a pourtant commis aucune infraction. On a appris à cette occasion que nombre de communes avaient passé des décrets municipaux interdisant ces exhibitions obscènes — forcément obscènes.
Le port obligatoire du masque dans des lieux ouverts où il n’a aucun intérêt — en admettant qu’il en ait un dans les lieux fermés — participe de la même contrainte. On n’affiche plus ses lèvres purpurines. On les camoufle. Les adeptes féminines de la religion de paix et d’amour se sont saisi de l’occasion pour se masquer jusqu’aux yeux — au mépris de la loi. Mais ce sont celles qui n’en portent pas que l’on verbalise. Rennes renonce à être ville-étape du Tour de France (qui n’est jamais que la manifestation sportive la plus suivie au monde) sous prétexte que deux pin-ups en maillot de bain font la bise au vainqueur — mais autorise désormais le burkini dans les piscines municipales. C’est ça aussi, l’écologie.
La décision d’obliger bars et restaurants marseillais à fermer à 23 heures participe de la même vague puritaine. Peu importe au gouvernement que coulent des commerces qui étaient parmi les plus respectueux des règles d’hygiène et de prophylaxie. Il s’agit d’éliminer le monde de la nuit, où se passent toujours des choses louches, peu conformes au monde rêvé d’Olivier Véran et de ceux qui l’écoutent. Paris-by-night, terminé. La Tour Eiffel brille vainement sur les avenues mortes dès 21 heures — et elle cesse de scintiller après minuit.
Les noctambules fortunés, ces jours-ci, se rendent à…
>>> Lire la fin de cette chronique sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<
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