Le coup d’Etat au Mali semble sonner le glas du processus de pacification et de normalisation engagé par la France depuis son intervention militaire en 2013.
Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt. C’est ce qui se passe en matière de communication officielle sur la situation au Sahel. On nous masque la gravité croissante de la situation dans cette région grande comme une fois et demie la France (1.500.000 km2).
Le Mali, un pays dans le chaos
Les prémices d’un conflit armé remontent à 2012 après la rébellion d’une milice touareg au nord du Mali. La situation n’était cependant pas nouvelle. Les tensions existaient dans ce secteur depuis des années, sans toutefois dépasser le stade d’escarmouches. D’ailleurs, le précédent coup d’Etat remonte à 2012, issu du même camp militaire de Kati où a eu lieu le putsch. Il fallut ensuite seize mois de palabres avant l’élection d’Ibrahim Boubakar Keita (IBK).
Depuis sept ans, ce pays enclavé et pauvre est gouverné dans le chaos et la corruption. Outre la crise sociale et économique, l’augmentation radicale des violences dans le centre et le nord du pays exaspère des populations déjà inquiètes de la dégradation de leurs conditions de vie.
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Parallèlement, la rébellion aux frontières réunit des combattants expérimentés et aguerris, de retour de Libye, mis au chômage par l’intervention française de 2011.
L’intervention française
Devant l’avance djihadiste de 2013, la France est intervenue avec quelques troupes de l’UE en appui, dont la Bundeswehr qui a voté l’envoi d’un nouveau contingent pour essayer de former les armées nationales quasi-inexistantes, Tchad excepté. La militarisation du conflit conduit rapidement à une escalade qui amène à l’envoi, deux ans plus tard, de la MINUSMA onusienne. Des 2015, cette force enregistre 56 victimes et devient la double cible des groupes djihadistes ainsi que des populations mécontentes d’une présence passive. Cette intervention entraîne le déplacement de plus de 100 000 personnes dans le pays, pendant que plus de 130 000 fuient dans les pays voisins.
A partir de là, le conflit se cristallise au centre du Mali pour ensuite s’étendre dans la zone des cinq pays frontaliers. Les alliés que sont la France, l’UE, les Etats-Unis, en appui logistique, se trouvent dans une configuration à la vietnamienne. Quitter les lieux laisserait la place aux djihadistes de tout poil et autres milices armées, ouvrant la voie à des exécutions sommaires par les troupes régulières.
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La violence attire la violence
En réalité, les causes profondes du conflit sont socio-économiques. Le premier ennemi, c’est la sécheresse, mère de la famine et de la misère, mère des conflits ethniques pour la possession du bétail, des puits, des récoltes entre sédentaires et nomades.
Le conflit s’est étendu vers la frontière sud-est du Mali au Burkina Faso, devenu le maillon faible des cinq pays concernés. La violence attire la violence. Au Burkina Faso, l’ONG Human Rights Watch a recensé plus de 1200 victimes des djihadistes en 2019, sans parler des crimes interethniques, soutenus par ces mêmes djihadistes. Depuis, des dizaines d’autres victimes (y compris européennes) sont tombées dans les attaques ciblées de ces groupes parfaitement adaptés à ce type de guérilla. Au cœur de cette vaste étendue, hors de portée des quelque 5000 militaires présents, la sécurisation est impossible. Imagine-t-on la France disposant pour tout son territoire de 1500 gendarmes ?
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Il faut regarder la réalité en face, la France et l’UE ont failli. Ce conflit représente un gouffre financier doublé d’un drame humain. Il devait permettre aux habitants de la région manger à leur faim et de vivre en paix mais la guerre est devenue un bourbier.
Faillite européenne
Malheureusement, comme dans l’affaire libyenne où un cessez-le-feu n’est pas en vue, l’UE des 27 et la France, son bras armé, ne réussissent pas à trouver une solution politique pour mettre fin aux souffrances des populations. Pendant ce temps, l’UE veut s’occuper de la situation en Biélorussie tout en proclamant le principe de non-ingérence. Et dans le même temps, l’UE évite de s’occuper du (réel) conflit qui oppose la Grèce et la Turquie. La situation au Sahel où l’UE prétend apporter des solutions, n’est pas davantage à l’ordre du jour. Cherchez l’erreur.
Aujourd’hui, le coup d’Etat de la junte malienne est condamné de toutes parts, par la France, l’Union Africaine, les Etats Unis, l’Onu, la Communauté économique des états de l’ouest qui a également décidé de fermer ses frontières et de suspendre les échanges.
Mais la communauté internationale n’a pas d’autre choix que de reconnaître la junte et de coopérer avec elle. Sans quoi le chaos et l’instabilité profiteraient aux djihadistes qui s’étendraient encore davantage au Sahel.
Pour feu le cardinal de Retz, on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens. Il est temps que l’UE devienne réaliste et agisse comme une force économique, politique et militaire digne de ce nom. Au Mali, il faudra être très attentif au rôle que pourra jouer le mouvement M5-RPF de l’imam salafiste Mahmoud Dicko. Ce n’est pas un ami de la France. Par le passé, il a soutenu les mutins et l’opposition à IBK. Le pire pourrait donc encore se produire.
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