Je n’arrive pas à comprendre, et ce depuis fort longtemps, pourquoi nos beaux esprits accordent tant d’attention à ce littérateur manqué, aigri et par conséquent venimeux, ridicule autant sur le plan de l’art que sur celui des idées.[access capability= »lire_inedits »]
La vocation d’escort boy n’est pas déshonorante, mais il faut en avoir les moyens, et seul un esprit futile peut croire que la littérature est plus commode. Comme tant de surréalistes d’occasion (et ils le sont presque tous), Drieu passait son temps à rêver de femmes riches. Cela n’excuse pas tout. Et on a beau dire, les sympathies collaborationnistes n’excusent pas tout non plus.
Lorsqu’il publia son laborieux Gilles en 1942, il l’accompagna d’une préface incroyablement prétentieuse où il jugeait de toute sa hauteur (celle environ d’un tabouret de comptoir) toute la littérature alors contemporaine. Il s’y trouve une phrase vicieuse concernant son ancien ami Aragon. L’affaire ne traîna pas. Caché à Saint-Donat, dans la belle vieille maison de Mady, Aragon écrivit presque sans une rature les 600 pages d’Aurélien, avec lesquelles il l’écrasait comme une blatte.
Ce thème si particulier, si sensible pour un Français (et même encore dans ma génération) de l’ancien combattant de 1914-1918, il y a deux écrivains qui surent en parler : Aragon et Pierre Benoit (et peut-être Duhamel, il faudrait que je vérifie). Tout le reste est littérature.
Je me demande encore pourquoi le nommé Maurizio Serra a fabriqué, voici un an ou deux, ce livre absurde où il s’efforce de raccrocher le pantin Drieu à Malraux et à Aragon, comme pour le ressortir de la merde où il s’était fourré. Quel sens cela a-t-il ? De quelle opération s’agit-il ?
On se tait devant un suicide ; cela éteint tout. Celui de Pierre Drieu La Rochelle inspire cette sorte de compassion dont on a vaguement honte.[/access]
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