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Beppe Grillo, le populisme à la parmesane


Une série de séismes a récemment touché le nord de la péninsule transalpine, et plus particulièrement l’Emilie-Romagne : un tremblement de terre géophysique a frappé Mirandola et ses alentours et une secousse plus politique s’est produite à 59 kilomètres de là : l’élection à la mairie de Parme de Pizzarotti, représentant du populiste de gauche Beppe Grillo, le fondateur du parti Cinque Stelle.

Faut-il y voir le signe d’une intervention divine ou une simple coïncidence ? Mon athéisme incurable m’empêche de trancher, même si, lorsqu’il s’agit de l’Italie, les deux options sont vraisemblables.

Situons les faits. Parme est une grande ville universitaire et industrielle, spécialisée dans l’agro-alimentaire (Barilla, Parmalat). C’est aussi, dans le désordre, la ville du jambon du même nom, du parmesan, de Giuseppe Verdi (originaire de la proche Bussetto), et celle qui conserve les mânes de Stendhal. Opéra et bouffe sont les deux mamelles de cette métropole économiquement et culturellement importante, dans laquelle l’UE a installé un collège européen, usine à former de futurs fonctionnaires communautaires.

Mais revenons à nos moutons électoraux. Pour la plupart des Français, le nom de Beppe Grillo demeure inconnu. Il est pourtant le représentant le plus intéressant de ces nouveaux populismes qui fleurissent sur le fumier des appareils politiques usés. Dans nos démocraties vieillissantes, ces mouvements ont le vent en poupe en faisant leur miel de la chasse aux corrompus.

Beppe Grillo prend une ampleur inégalée, à la hauteur de l’éloquence de l’acteur qu’il fut dans une vie antérieure. Grillo vient en effet du show-biz (télé, publicité) mais pourfend le système médiatique sans mâcher ses mots, le langage châtié n’étant pas sa tasse de capuccino. Il vitupère, agonit, ressasse et explose avec une rage et une présence rares. Certaines bonnes âmes élevées au biberon social-démocrate le comparent même à Mussolini avec des trémolos dans la voix…

Résumons : le 21 mai, son parti rafle un certain nombre de villes aux élections municipales dont Parme, dans un contexte d’abstention record qui illustre le désintérêt des Italiens pour la politique. Convenons-en, cette désaffection des urnes n’est ni une nouveauté ni un caprice d’enfants gâtés (rappelons tout de même que l’actuel gouvernement Monti n’émane pas d’un choix démocratique…).

Dans ces conditions, Grillo surfe sur un mélange d’antimondialisme et de lutte contre la corruption, deux classiques du populisme, mâtiné d’écologie, une particularité dans l’Italie traumatisée par la catastrophe Seveso, l’affaire des poubelles napolitaines, le scandale Parmalat, et j’en passe… « Siamo in guerra » résume Grillo en opposant au triple A le triple V du Vaffanculo Day qu’il nous invite à célébrer tous les huit septembre depuis 2007.

Ceci dit, réduire Grillo à un énergumène grossier obsédé par les incinérateurs serait aller un peu vite en besogne. Son programme oscille entre les positions du Parti de Gauche et celles du Front national, au choix : démondialisation, salaire minimum, diminution des dépenses militaires, soutien à l’environnement, aux énergies renouvelables, sortie de l’euro, etc.

Son parti (de) jeune(s) (à Parme la moyenne d’âge de l’équipe est de trente ans) et son utilisation des réseaux internet ne sont pas sans rappeler un autre trublion de la scène européenne : le Piraten Partei allemand qui a signé une percée remarquée en Sarre et en Rhénanie du nord aux dépens des Verts et de la CDU. Les militants de Beppe Grillo sont aussi mal élevés, débraillés, mi-punks mi-babas et nous rappellent l’époque bénie (1984) où le hasbeen Joschka Fischer lançait : « sauf votre respect monsieur le président [du Bundestag], vous êtes un enculé » !

Les instituts de sondages italiens prédisent une catastrophe aux législatives de 2013 : Cinque Stelle arriverait deuxième derrière le PD (centre-gauche) et devant le PDL de Berlusconi !

D’ici dix ans, le Vaffanculo Day sera peut-être décrétée fête nationale et, sur un air de Verdi, des foules de poilus goguenards hurleront dans les rues de la ville fromagère : « Que ses ennemis tremblent, car la Vierge protège Parme ».
 
*Photo : Sara Fasullo



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