Les élections se suivent et se ressemblent, entre explosion de l’abstention et banc d’essai de partis, sitôt adoubés, sitôt rejetés. Ainsi, après que l’envol du parti du président ait provoqué l’admiration de tous, nous assistons aujourd’hui à la déculottée de LREM et à l’épiphanie d’EELV. Une analyse de Céline Pina.
Avec un taux de participation de 41,6%, le premier enseignement à tirer de ces municipales, c’est que notre démocratie n’est plus en danger: elle a commencé son déclin.
Certes, ce scrutin se tenait dans des conditions particulières, mais les tendances à la baisse de la participation s’observent quelle que soit l’élection et s’accentuent avec le temps. Les municipales ne sont plus le dernier rempart d’une démocratie vivante, trouvant dans la proximité une forme de régénération. Au vu du peu de voix qu’il faut aujourd’hui pour gagner cette élection et s’installer dans le fauteuil de maire, nombre de nouveaux élus peinent à rassembler et à représenter ne serait-ce qu’une minorité significative de leur ville. Ce fait est particulièrement marquant dans les villes populaires. À Stains par exemple, il suffit de 2 749 voix pour diriger une ville de 36 365 habitants, comptant 16 996 inscrits sur la liste électorale. À Cergy, il suffit de 4 156 voix pour devenir maire d’une ville de 61 708 habitants comptant 31 781 inscrits. À Goussainville, 31 212 habitants pour 16 433 inscrits, il a suffi de 2 869 voix pour remporter la mairie. À ce niveau de participation, aucun maire, bon ou mauvais, n’est vraiment légitime. Quand presque 60% des électeurs ne se déplacent pas, on ne peut sans doute pas expliquer ce qu’ils auraient voté, mais on est sûr que l’offre politique ne leur convient pas. Quand élection après élection, une majorité de personnes ne peuvent voter faute d’avoir un seul candidat susceptible de les représenter, alors on n’est plus vraiment en démocratie.
Désordres
Pour autant, soirées électorales après soirées électorales, entendre les politiques déplorer cet état de fait fait sourire. Pour avoir passé plus de 25 ans dans ce milieu, la vérité est que cela simplifie terriblement la conquête du pouvoir et que cela arrange beaucoup trop d’élus.
Pour que les élections redeviennent légitimes, il serait bon qu’à moins de 50% de suffrages exprimés, les élections ne soient pas valables et que l’élection soit refaite
Les batailles se font entre deux camps de convaincus ou d’afficionados, ne reste plus que le clientélisme pour amener les voix supplémentaires qui feront basculer l’élection. Et il n’en faut pas beaucoup pour faire la différence quand la participation est aussi faible. Cela aboutit à concentrer ses efforts sur la satisfaction de sa clientèle, au détriment de l’intérêt général, sans que cela ne soit sanctionné puisque la majorité est déjà hors du jeu politique…
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Comme le fait que vous soyez bien ou mal élu n’a aucune conséquence pratique en termes d’exercice du pouvoir, vous jouirez quand même de toutes les prérogatives de l’élection. Votre légitimité est douteuse mais votre pouvoir n’en est pas amoindri.
Les actes des collectivités locales sont très peu et très mal contrôlés. Le contrôle de légalité a été dégarni dans les préfectures et depuis que le contrôle est passé de a priori à a posteriori, les budgets peuvent susciter bien des convoitises. Alors que tout le monde surveille comme du lait sur le feu des députés dont les possibilités de détournement d’argent sont limitées, la manne financière qui passe entre les mains d’élus des collectivités locales est très peu contrôlée. Et ce alors que des projets de constructions et d’aménagements urbains se chiffrent en millions d’euros voire en dizaines de millions. Bref mettre une ville sous coupe réglée est possible en France et le niveau de corruption peut atteindre des sommets avant que quiconque ne songe à regarder de plus près. Heureusement que la plupart de nos élus sont honnêtes, mais pour ceux qui ne le sont pas, la tentation peut être forte et l’espoir d’échapper à toute sanction, réel.
Prendre le pouvoir dans une collectivité locale peut donc se révéler une manne. Ces réalités ne datent pas d’hier et ont abîmé notre rapport à la politique et aux politiques. Le fait d’accepter que des personnes extrêmement mal élues exercent le pouvoir ne semble pas avoir trop d’effet au début ; jusqu’au moment où la faiblesse de légitimité empêche tout exercice d’autorité et justifie tous les désordres. Nous avons atteint ce stade au niveau national où un président mal élu et contesté, finit par porter préjudice aux institutions censées incarner la stabilité, au point que sa propre police dépose symboliquement les menottes.
Parler aux 60% d’abstentionnistes devient un enjeu
Pour que les élections redeviennent légitimes, il serait bon qu’à moins de 50% de suffrages exprimés, les élections ne soient pas valables et que l’élection soit refaite. En ajoutant une condition incontournable : l’obligation de changer les candidats puisque les premiers étaient tellement peu représentatifs qu’aucune majorité n’a souhaité les départager.
Quant à la vague verte, elle raconte surtout la paresse intellectuelle de nombre de nos représentants quand il s’agit de comprendre notre pays. Il fallait voir la plupart des politiques invités à débattre des résultats sur les plateaux télé se repeindre à l’écologie, alors que tout cela n’est que poudre aux yeux. Qu’il y ait nécessité de prendre conscience que la survie de l’homme passe par le respect de la planète qu’il habite n’est pas contestable. Que cela conduise à plébisciter un mouvement passablement sectaire, très dogmatique et qui n’a aucun bilan alors qu’il a fait partie de nombre de gouvernements, est plus étonnant.
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La principale motivation du vote EELV est qu’il est gratifiant et ne représente aucun risque social, là où voter pour la plupart des partis vous vaut des accusations de traîtrise ou de naïveté. La plupart des électeurs votent écologistes car c’est un vote sans risque ni engagement, dont ils n’ont pas à rendre compte. Ils votent petits oiseaux et jolies fleurs, cela les met d’emblée dans le camp du bien. Personne ne demande de justifier ce type de vote. L’écologie a effacé la réalité d’un parti dogmatique qui s’est toujours abîmé dans les querelles de personnes et les polémiques stériles, qui a toujours voulu des postes, mais n’en a pas fait grand-chose. Le problème est que ce type de succès est bâti sur du sable. Dès que le vent souffle et que la pratique du pouvoir montre la réalité des hommes, les soutiens disparaissent plus vite qu’ils ne sont venus et les votes se détournent durablement.
Un vote passablement cucul
Le vote vert est matériellement très surestimé également : si sur les villes de plus de 100 000 habitants, 7 villes sont entre les mains d’EELV, 16 sont tombées dans l’escarcelle de la gauche, 15 à droite, 2 majorité présidentielle et 1 a basculé RN. Quand on passe aux villes de 20 000 habitants, sur 454, 261 sont à droite, 149 à gauche, 21 majorité présidentielle, 12 à EELV et 6 au RN. Le vote vert est et demeure un vote urbain, de bobo où le rapport à la nature est fantasmé et passablement cucul, il ne passe dans la France rurale et périphérique, chez ceux qui vivent et connaissent la nature. Cela devrait calmer les ardeurs de ceux qui veulent déjà se convertir à la logorrhée EELV. Ce discours anxiogène et punitif, ayant de l’humanité une vision négative au point d’alimenter des discours sur la collapsologie n’est sans doute pas le plus approprié pour reconstruire une société politique.
Voilà pourquoi le vote écologiste ne sauvera pas la gauche. Elle devra faire le travail de clarification idéologique qu’elle refuse. En attendant les écolos sont moins une chance pour la planète que pour toute la clique d’extrême-gauche, islamistes, indigénistes, décoloniaux, racistes qui se revendiquent antiracistes… Le vert d’EELV ayant souvent servi de cheval de Troie à un vert bien plus religieux. Pour avoir eu l’occasion de fréquenter leurs leaders au Conseil régional d’Ile-de-France, à de rares exceptions, nombre d’élus cumulent dogmatisme et incompétence. À Grenoble, la gestion désastreuse d’Eric Piolle en est un parfait exemple. Grenoble explose sous le poids de la dette et de l’insécurité et a fait parler d’elle quand pour imposer le burkini à la piscine, des membres de la nébuleuse islamiste ont organisé des opérations d’agitprop sans que le maire n’y trouve rien à redire. Il faut dire qu’il a souvent soutenu les initiatives du CCIF, autre organisation proche des islamistes.
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Les alliances entre les Verts et ces milieux s’illustrent également à Strasbourg où les
électeurs ont porté Jeanne Barseghian, tête de liste « Strasbourg écologiste et citoyenne » à la victoire avec 41,7% des voix. Mais ils ont donné leur bulletin de vote, et leur caution, aux femmes voilées de la liste EELV. À Rennes, la liste EELV de Mathieu Theurier et Priscilia Zamord du premier tour n’a jamais caché sa sympathie pour des thèses comme le « privilège blanc ». Comme le rappelle la candidate LREM Carole Gandon avant le second tour, « Priscillia Zamord parle d’écologie décoloniale et motive sa candidature par le désir que les “femmes non blanches” ou des “personnes racisées” exercent des responsabilités. » Et EELV, comme de nombreux partis de gauche, ont défilé à la « marche contre l’islamophobie » en novembre 2019. Ils répondaient ainsi à l’appel du CCIF et ont pu défiler aux côtés de militants scandant « Allah Akbar ». Cet affichage ne lui a pas fait gagner beaucoup de voix dans les quartiers populaires. Qu’importe, c’est aussi ça EELV !
La vague verte n’est ni un espoir pour l’avenir, ni pour la France. Après LREM, c’est un nouveau leurre pour l’électeur de gauche.
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