Dans le déconfinement du Paris d’Anne Hidalgo, le vélo a le vent en poupe. Pourtant, il n’est pas exempt de tout reproche. Mais entre feux rouges grillés et piétons bousculés, il en agace plus d’un !
« Mais putain active, là ! », a pesté une cycliste quand je traversais un passage piéton de la rue de Tolbiac, dans le XIIIème arrondissement parisien. Son feu était rouge, le mien était vert. J’ai préféré me taire, d’un flegme à l’anglo-saxonne exemplaire. Je ne cache pas avoir imaginé une seconde lui enfoncer son crâne dans le bitume, une pensée monstrueuse, j’en conviens.
« C’est rouge, morue ! », aurait été une réponse adéquate. Coiffée d’un casque blanc aux faisceaux étincelants, un visage rond et peu engageant, des cheveux courts, c’en était une belle de morue, et même pas aimable avec ça. Les néo-féministes hurleraient en lisant cela, et alors?
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L’épidémie, c’est pain béni
À Paris, les cyclistes sont d’une arrogance sans nom. Ils roulent à contre-sens, ils frôlent les seniors sur le trottoir, ils grillent les feux, ils jouent de la sonnette si vous ne cédez pas à leurs caprices et désormais, ils vous admonestent si vous passez quand votre feu piéton est vert, bref, ils vous emmerdent et ils le font savoir. Pourquoi s’en priveraient-ils? Ils ont reçu l’onction suprême de la sainte patronne des vélos parisiens, Anne Hidalgo. Déjà, Bertrand Delanoë avait ouvert la brèche en lançant le Vélib’. Naturellement écolo, le vélo ne pouvait qu’être paré de vertus. Dans la pure lignée de son prédécesseur, la madone Hidalgo a fait des cyclistes ses petits protégés. Elle leur a offert des pistes cyclables. Elle a réduit les piétons à l’état de parasites ringards qui prennent encore le métro ou le RER. Ils deviendront bientôt aussi suspects que les possesseurs de grosses berlines allemandes…
Tel un gardien de la révolution verte, le vélo est intouchable et se croit au-dessus des lois
L’arrivée de la Covid-19 dans les poumons parisiens a été l’occasion inespérée de sacrer le vélo roi sur l’autel du « vivre-ensemble », d’en faire le moyen de « distance sociale » écolo par excellence, sans hésiter pour cela à exalter les peurs de certains franciliens envers les wagons de métro. C’est ce qu’a fait un dénommé Pierre Serre, élu écolo du Conseil régional d’Île de France, qui s’est frotté les mains: « après l’épidémie, il y aura un rejet collectif des transports en commun ». L’épidémie, ce pain béni pour les apôtres du vélo-roi. Certes, les vélos nous épargnent les pétarades des mobylettes, certes, entre camions et gaz d’échappement, rouler en vélo à Paris n’est pas une mince affaire, certes, il y a beaucoup plus de piétons gravement victimes des voitures que des vélos. Mais il n’y aucun vélo victime des piétons. Or, s’il y en a bien un qui coche toutes les cases du parfait écolo, c’est ce dernier, et il ne mérite pas que ses marches soient pourries par quelques cyclistes arrogants qui se croient tout permis grâce à leur label vert.
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Il y a quelques années, j’ai vu un senior se révolter timidement contre un cycliste qui roulait vers lui sur un trottoir parisien. Le trentenaire bon teint à vélo n’avait pas l’air de trop comprendre, sûr de son bon droit… Il encourait pourtant une contravention de 4ème classe, soit 135 euros ! Mais cela, Anne Hidalgo se garde bien de le rappeler à ses protégés, supposés incarner la « mobilité douce », selon le slogan municipal. Comme la monarchie de droit divin en son temps, le vivre-ensemble vert répète qu’il est la seule issue pour le salut de l’être humain. Avec Anne Hidalgo, le cycliste est intouchable et se croit au-dessus des lois.
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