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On est sortis de chez nous…

…et les contradictions aussi


On est sortis de chez nous…
Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, participe a la grande manifestation contre le plan de suppression d'emplois à l'usine Renault MCA de Maubeuge, le 30 mai 2020 © Sarah ALCALAY/SIPA Numéro de reportage: 00964692_000016

L’édito politique de Jérôme Leroy


On ne peut pas vouloir tout et son contraire. Notre magazine le mois dernier titrait fort justement « Sortez de chez vous !». Il est vrai que le confinement avait assez duré, qu’il fallait que tout reparte. Seulement, il y a eu un malentendu. Ceux, du côté de la droite, du patronat et d’une partie des Marcheurs tendance Agnès Pannier-Runacher, qui avaient espéré que cette sortie soit uniquement pour faire tourner l’économie et rétablir les marges des actionnaires en travaillant plus pour gagner moins, en sont pour leur frais.

Comme dit le proverbe normand, « les bouchées avalées n’ont plus de goût » et l’infirmière, pour les éditorialistes, est en passe de ne plus être une héroïne mais une feignasse qui continue à s’accrocher aux 35 heures

Du côté de Maubeuge, par exemple, qui n’a pas besoin de ça, les gens sont sortis de chez eux pour dire qu’il était hors de question que Renault ferme alors que l’entreprise venait de toucher plusieurs milliards de l’État sans trop de contrepartie. On a même vu dans la manif ce dangereux bolchévique de Xavier Bertrand, président des Hauts de France, défiler avec la CGT.

Après tout, se crever la paillasse au nom de la reconstruction d’un système qui a tout de même un peu aggravé la situation par une vision managériale et comptable des questions hospitalières et sanitaires, ça demande réflexion. Les soignants, engagés dans le Ségur de la santé, sont encore tout étonnés de la rapidité avec laquelle les applaudissements se sont tus. Comme dit le proverbe normand, « les bouchées avalées n’ont plus de goût » et l’infirmière, pour les éditorialistes, est en passe de ne plus être une héroïne mais une feignasse qui continue à s’accrocher aux 35 heures.

Au boulot !

Et puis quand on sort de chez soi, on en sort aussi avec ses problèmes et tout de même un peu de colère à voir les médias se concentrer à longueur de reportage sur la réouverture des parcs et surtout des terrasses. N’est-ce pas contradictoire, tout de même, de s’extasier sur le petit noir et le demi pris par des promeneurs qui glandent au soleil, alors que tout ce monde là devrait être en train de marner ? Céline avait raison, dans le Voyage, qui remarquait : « Les gens de Paris ont l’air toujours d’être occupés, mais en fait, ils se promènent du matin au soir ; la preuve, c’est que, lorsqu’il ne fait pas bon à se promener, trop froid ou trop chaud, on ne les voit plus ; ils sont tous dedans à prendre des cafés crème et des bocks. »

A relire, Causeur #79: Sauvez la France, sortez de chez vous !

Parmi les problèmes, évidemment, il y a ceux des quartiers. Ce n’était pas brillant avant le confinement et ça n’a pas été brillant pendant avec une mortalité nettement supérieure à la moyenne, le plus grand nombre de décrocheurs scolaires et une situation qui a flirté, notamment en Seine Saint-Denis, avec la famine. Je vois ainsi quelques contributeurs de notre magazine qui s’étonnent et sont d’humeur chagrine devant la manifestation en faveur d’Adama Traoré. Quoi, ils osent braver l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes, ces voyous, ces sans-papiers, ces mauvais Français islamisés ?

Les antifas, nouveau fantasme mondial

Pourtant les mêmes ne cessent de se féliciter de la résistance anarcho-punk de Trump ou Bolsonaro au totalitarisme sanitaire qui vient. Comme eux, ils ne sont pas loin de penser qu’il ne faudrait pas hésiter à sortir les armes, comme l’ont fait pendant le confinement quelques milices suprématistes devant des Capitoles locaux. Mais voilà qu’après le confinement, Trump menace d’envoyer la troupe, rien que ça, parce qu’il semblerait que ce soit au tour des Noirs américains d’être de sortie en compagnie, de pas mal de Blancs et des policiers eux-mêmes pour protester contre la mort par asphyxie d’un truand noir en surpoids qui s’est jeté pendant plus de neuf minutes sous le genou d’un officier connu, d’après ses états de service, pour sa modération humaniste.

Dans la mesure où ce « sortez de chez vous » ne s’adressait pas seulement à l’ouvrier non syndiqué ou à l’identitaire libertarien, il faudra bien accepter que les minorités en colère, les militants antiracistes, les cégétistes, les antifas (ce nouveau fantasme mondial), les féministes LGBT, et les urgentistes en grève  ressortent aussi.

Et pour tout vous dire, c’est très bien comme ça…



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