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Le Conseil d’État valide la télé-IVG


Le Conseil d’État valide la télé-IVG
Le Ministre de la Santé Olivier Véran en déplacement à Dijon le 29 mai © JC Tardivon/SIPA Numéro de reportage: 00964680_000016

Saisi par des associations opposées à l’allongement du délai de l’IVG pendant la crise sanitaire, le Conseil d’État leur a donné tort.


L’IVG est un droit qu’il ne nous appartient pas de remettre en question. Mais c’est aussi une responsabilité. Responsabilité de la décision pour le couple concerné, responsabilité de la prescription qui la rend possible pour le médecin. D’où l’existence de la clause de conscience pour les praticiens. Le caractère sensible et très particulier de cet acte médical a justifié l’intervention du législateur, qui a strictement encadré la procédure dans le code de la santé publique, rendant notamment obligatoire le passage dans un établissement de santé au-delà de la 5ème semaine de grossesse. 

Mais pendant l’état d’urgence sanitaire, le ministre des Solidarités et de la Santé a édicté des mesures extraordinaires permettant de s’affranchir de cette obligation jusqu’à la 7ème semaine, et, plus encore, de permettre la prescription des médicaments nécessaires à l’IVG à domicile dans le cadre d’une simple téléconsultation.

Le Conseil d’État valide la décision gouvernementale exceptionnelle

Saisi en référé par les associations « Alliance Vita », « Juristes pour l’enfance » et « Pharmac’éthique », le Conseil d’État a refusé le 22 mai 2020, de suspendre cette décision ministérielle. Cette solution n’avait pourtant rien d’évident, d’autant plus qu’en référé, le doute sérieux sur la légalité d’une décision suffit au juge pour ordonner la suspension de la mesure, et non pas la preuve définitive de l’illégalité.

L’allongement du délai possible de l’IVG médicamenteuse n’est guère surprenant, la loi autorisant déjà l’IVG jusqu’à 12 semaines dans certaines conditions.

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Mais la validation par le Conseil d’État des conditions extraordinaires dans lesquelles celle-ci peut être pratiquée à domicile, y compris pour les mineures, est beaucoup plus étonnante, puisque la Haute juridiction a considéré que le recours à la téléconsultation était légal et suffisant.

Le passage obligatoire à l’hôpital n’est pourtant pas une fantaisie juridique, mais une précaution prise par le législateur afin de sensibiliser les femmes enceintes aux conséquences de l’IVG à un stade avancé, s’assurer de leur consentement réel à la mesure et la pratiquer dans de pleines conditions de sécurité sanitaire.

Or il est à craindre que la télémédecine n’offre pas les mêmes garanties : comment s’assurer de la datation exacte de la grossesse en téléconsultation ? du consentement réel de la patiente, notamment mineure, à distance ? de la parfaite sécurité de la patiente à distance en cas de complications ?

Un précédent sur lequel on ne pourra pas revenir?

La lecture de la décision rendue par le Conseil d’État est par ailleurs déroutante, qui considère que l’IVG par téléconsultation serait « de nature à contribuer à la diminution de la circulation du Covid-19 », une corrélation difficilement compréhensible.

La nécessité de faciliter le recours à l’IVG à domicile au prétexte de l’état d’urgence sanitaire est en outre loin d’être évidente, alors même qu’un des sept motifs de déplacement dérogatoire édicté par le gouvernement pendant le confinement était précisément la nécessité de se rendre à l’hôpital.

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Il est à craindre que cet assouplissement des règles de l’IVG à domicile validé par le Conseil d’État ne crée un précédent, et que l’exception temporaire devienne la nouvelle norme.

La technique a été un outil indéniable pendant la triste période que nous avons connue, notamment pour le télétravail et pour éviter les déplacements inutiles. En médecine, la téléconsultation est un atout intéressant appelé à se développer pour de nombreuses pathologies. Mais il faut se garder de tous les excès et sa généralisation n’est pas forcément souhaitable. En particulier, l’IVG est un acte médical sensible, qui nécessite de faire preuve d’humanité et d’écoute. La froideur d’un échange par écrans interposés ne remplacera jamais l’échange humain chaleureux et compréhensif, ce que redoutait déjà Stanislaw Jerzy Lec en 1964 « La technique atteindra un tel niveau de perfection que l’homme pourra se passer de lui-même ».



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