Accueil Culture La beauté d’un astre noir

La beauté d’un astre noir


La beauté d’un astre noir
Plein Soleil (1960) - Alain Delon © REX FEATURES/SIPA Numéro de reportage: REX43061910_000004

« Plein soleil », de René Clément


Le dernier dimanche de confinement nous a permis de revoir sur Arte le très beau film de René Clément Plein Soleil, l’un de ses grands succès. Une réussite cinématographique servie par un trio d’acteurs impeccables, Alain Delon, Maurice Ronet, Marie Laforêt. Adapté du roman de Patricia Highsmith Mr Ripley qui fit de son personnage le héros de toute une série littéraire, ce polar noir dont le scénario est coécrit par Paul Gégauff et René Clément est sans conteste la meilleure transposition à l’écran de l’œuvre de la romancière américaine.

Machiavélique

L’éblouissante beauté de Marie Laforêt, la nonchalance dandy de Maurice Ronet et le charme vénéneux de Alain Delon, sous le soleil éclatant d’Italie dans une sombre histoire de convoitise et de meurtre, en font un film haletant. Tourné à Rome, Naples et sur l’île abrupte d’Ischia, située à l’extrémité ouest du Golfe de Naples dans cette splendide région de la Méditerranée nommée mer Tyrrhénienne, le film apporta la célébrité mondiale à Alain Delon.

L’immense talent d’Alain Delon éclate dans cette tragédie fatale. Quel acteur français peut dire qu’il a tourné dans autant de chefs-d’œuvre Rocco et ses frères, Le Guépard, Le Cercle rouge, Le Samouraï, Un flic, Le Professeur, Monsieur Klein, Nouvelle Vague… ?

Dans Plein soleil, il est Tom Ripley. Il prétend être chargé de ramener pour le compte d’un milliardaire américain, Monsieur Greenleaf, son fils Philippe (Maurice Ronet) à San Francisco pour la somme de 5000 dollars. Tom partage les moments de vacances et d’oisiveté du riche héritier et de sa compagne Marge (Marie Laforêt). Constamment à leur côté, il est méprisé par Philippe qui le traite comme son domestique, tout en le faisant participer à toutes ses aventures… Dès lors, le machiavélique plan de Tom est enclenché et semble fonctionner à merveille.

A lire aussi, Thomas Morales: Marie, Jean-Paul et moi

Le long-métrage de René Clément, remarquable à bien des égards, est un vrai thriller psychologique ainsi qu’une superbe évocation de la vie d’une jeunesse désinvolte, oisive, égocentrique, en Italie, qui nous rappelle La Dolce vita de Fellini.

Un jeu immoral et dangereux

La réussite du film doit énormément au personnage de Tom Ripley, un être complexe, trouble, étrange et bien sûr à son interprète Alain Delon qui l’incarne pleinement. Sa beauté fulgurante et ravageuse, son jeu simple et complexe à la fois le rendent insondable, fascinant. Même après plusieurs visions du film, il n’est pas évident pour le spectateur de comprendre les motivations profondes de cet homme. Ses actes et ses intentions demeurent assez mystérieux et peuvent se prêter à plusieurs interprétations. Quatrième film d’Alain Delon, Plein soleil – dans lequel, il devait au départ jouer le rôle de Philippe Greeleaf, mais il obtient en insistant de jouer celui de Tom Ripley lui permet de devenir un acteur mythique. 

Maurice Ronet joue avec un naturel confondant et inouï, Philippe, un personnage très désagréable, un oisif désabusé, cynique, plein de morgue et futile. La confrontation entre les deux personnages est tendue, cruelle, violente. Marge éblouie par l’un puis par l’autre, est victime de ce jeu dangereux et immoral. La mise en scène classique de René Clément procure un caractère intemporel à ce film datant de 1960. La liberté de jeu des trois acteurs principaux donne au film son ton de grande modernité.

Le soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face

Les scènes de bars, de déambulations dans les marchés et les rues puis sur le port de l’île, par leur côté quasi documentaire, sont très belles, filmées dans l’éclatante lumière du soleil italien. Ce plein soleil qui réchauffe les corps, attise les désirs et les convoitises. Il est comme le reflet de la vacuité des oisifs et se fait aveuglement des âmes noires. Cette lumière solaire est rendue de main de maître par Henri Decaë, le célèbre chef opérateur. 

Les mélodies gaies et mélancoliques des mandolines napolitaines de Nino Rota sont ensorcelantes et contribuent à l’éblouissement exercé par le personnage de Tom Ripley sur les êtres qui l’entourent comme sur nous spectateurs. Comme le soleil, qui à la fois illumine  et aveugle, les personnages du film sont fascinants et dangereux. Plein soleil est un chef-d’œuvre du genre, un astre noir, faussement radieux, éblouissant.

Plein soleil de René Clément – France – 1960 – 1h54

Plein Soleil [Edizione: Regno Unito] [Import]

Price: 12,25 €

15 used & new available from 12,01 €

Interprétation: Alain Delon, Maurice Ronet, Marie Laforêt, Ave Ninchi, Elvire Popesco, Frank Latimore, Billy Kearns…



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Cause toujours, tu m’intéresses
Article suivant Au secours, effectivement
est directeur de cinéma.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération