Il y a ceux qui doivent revenir impérativement au travail… et les autres. Certains ont pris l’habitude de travailler à distance et aimeraient qu’on n’en fasse pas trop avec le déconfinement. Chronique d’humeur sur ce déconfinement très progressif
« Et toi tu rentres quand ?» On n’entend plus que ça dans les conversations !
Il n’y a plus que le retour à la mode sur toutes les bouches. Et les masques sont sur toutes les lèvres. « Et toi t’en as ?» Du boulot ou des filtres à particules? « Tu n’es pas PDG au moins ? Mais naaann, je ne suis pas porteur de germes, t’inquiète !» Au début de la crise c’était « je t’embrasse… mais de loin.» Maintenant, c’est l’éternel retour qu’on nous joue tous les jours.
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Il paraît qu’on est des millions à avoir pris la fuite en déferlant par raz-de-marée de fuyards, façon tsunami emportant tout sur son passage, jusque dans nos belles provinces. Et pas qu’à Paris! À Bordeaux, à Lyon, même à Marseille. Les Scénic en pression sur le ruban au péage, avec maman, les enfants et les matelas sur le toit. Du jamais vu depuis la débâcle de 40. Ça n’est pas moi qui le dit, c’est Orange. L’opérateur téléphonique qui s’est fait un devoir de confier gentiment toutes ses données de géolocalisation à son actionnaire principal, l’État. Les citadins ont « essaimé le virus », qu’ils disent. Ils se sont fait insulter dans les campagnes. Résultat, il y en a même qui se sont fait crever les pneus. Jusque dans les îles. Oui monsieur. Bon, même si sous le manteau les commerçants n’étaient pas totalement mécontents de les voir.
En province, les plaques minéralogiques scrutées plus que d’ordinaire
Quant aux édiles locaux, à part faire la police sur les plages, ils ont freiné rapidement les sanctions. Histoire de ne pas dégoûter les « migrants», qui ont la réputation de payer une partie des impôts locaux. Cochons de confinés mobiles.
Et maintenant voilà qu’il faut rentrer ? Sans blague ? Mais revenir pour quoi faire ? Pour bosser à ce qui paraît. La France nous attend. Comme si on s’était mis tous en rideau depuis soixante jours… Comme les éoliennes les jours de tempête. En vol plané avec les deux moteurs en drapeau. Rentrer pour se retrouver dans les trains bondés en pratiquant le GBA (geste barrière agressif). À grands coups de coude? Rentrer pour recroiser (enfin) madame Merluchon, masquée pour l’occasion, sa gardienne chérie, qu’on dérange tous les matins avec son tablier à larges poches, quand elle fait les carreaux dans l’ascenseur. Là où ça fleure bon l’Ajax vitre. Le triple action senteur lavande.
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Oh lala. Se retrouver tanké dans les embouteillages. Pare-chocs contre patinettes, phares au xénon contre piétons suicidaires. Encore pire qu’avant. Car côté bouchons on va bien rigoler. La folle Ibère n’a rien trouvé de plus malin que de fermer encore plus d’axes routiers principaux. Si ça peut emmerder deux millions de banlieusards, ça ne peut pas faire de mal. Rentrer pour faire du vélo alors? Ben tiens. J’en rêve. Pour se mettre en danseuse dans le raidillon de Malesherbes. En roue libre dans la descente du tunnel des Tuileries. À quoi bon? Pour se pointer au bureau après 3/4 d’heure de pédalage intensif, la liquette en eau, trempée comme une soupe, avec deux 45 tours sous les bras et la cravate ensuquée ? Pour commenter à la machine à café : «T’as vu les travaux dans la montée Raynouard.» Je vois déjà d’ici les conversations à la cafète au bureau. Pareil que dans les chiottes des avions. Pas plus d’une personne en cuisine. Sans ça c’est la lumière de surcharge qui s’allume. Comme dans les ascenseurs. « Oui mais au moins l’air sera plus sain avec des bâillons sur toutes les bouches », pense-t-on. Tu parles ! Même pas ! Il paraît que la pollution n’a pas tellement baissé pendant le Covid.
Raoult dit que ce serait fini, j’attends de voir
Il y a même eu un pic quand il n’y avait plus aucune voiture dans les rues. C’est Airparif qui le dit. Quelle blague. Va comprendre. Alors me retrouver à pédaler 15 bornes par jour pour raconter à trois clampins masqués ses deux mois de confinement dans le Loiret en marmonnant, non merci. Je ne vois vraiment pas l’intérêt. À moins d’être employé dans une boutique qui rouvre, après deux mois de chômage. Alors là je m’incline.
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Et puis d’ailleurs, il est où le virus ? Je ne comprends rien aux cartes. Il paraît que c’est normal car c’est Sybeth qui les a coloriées. D’après Raoult, le Covid va rentrer paisiblement à pied par la Chine. Cet été, il ne sera plus là. Il aura disparu. Aussi vite qu’il s’était pointé. Pas bête la théorie. C’est vrai qu’on n’a rarement vu des grippes en été ma foi. Ce qui n’est pas l’avis Mélenchon, le spécialiste épidémiologique, qui a été rebaptisé « Professeur émérite de la Faculté de Médecine de la Havane », tellement il a raconté de sornettes.
Mais si le virus se repointait quand même ? Que la maladie revenait sur les poules ? En nous prenant à revers? Comme quand Mahatma Gandhi a repassé les Anglais? Hein? Dans ces conditions, le retour, ça ne va pas être pour tout de suite. En tout cas pas pour moi. Ça sera même le plus tard possible. Il paraît qu’on va donner le bac aux étudiants qui ont eu la moyenne toute l’année. Ils feront l’économie de repasser au bahut contrairement aux maternelles… Alors, je serais d’avis qu’on nous foute un peu la paix, vu l’intensité de nos récents efforts pour faire tourner le bouzin, bon an mal an, en télétravail pendant la crise. On dit que les emmerdes volent toujours par escadrilles de trois. Après les grèves de Noël, la révolte des gilets jaunes, je crois qu’en matière d’adversité on a fait le plein.
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