Après avoir tenté de préserver libertés et activités économiques, Boris Johnson et Donald Trump ont dû finalement suivre le modèle du confinement obligatoire et des aides publiques colossales. Face à la catastrophe, l’Etat-providence vire à l’Etat orwellien
À Londres en 1563, lors d’une grande épidémie de la peste qui a ôté la vie à un quart de la population, le gouvernement a ordonné l’extermination de tous les chiens, tenus pour responsables de la propagation du fléau. Ridicule, n’est-ce pas ? On suppose que nos sociétés modernes, où la superstition a cédé la place à la science, la barbarie primitive à la sensibilité humanitaire, l’autoritarisme capricieux à la gestion étatique rationnelle, savent faire mieux. Pourtant, les événements actuels nous rappellent que la science est incertaine, la nature humaine volage et les voies de l’État souvent aussi impénétrables que brouillonnes. Ce sont justement nos illusions quant aux progrès modernes qui fragilisent le château de cartes de notre civilisation. Cette leçon amère n’a été nulle part apprise avec autant de répugnance que dans les grands pays du pragmatisme anglo-saxon, le Royaume-Uni et les États-Unis.
Paradoxalement, la faiblesse de l’État a conduit à une extension inédite du pouvoir de l’État
Ceux-ci, sous des gouvernements conservateurs rétifs à l’étatisme ou big government, ont dû finalement, à leur corps défendant, suivre le modèle du confinement obligatoire et des aides publiques colossales. À la différence de la France, ces deux nations ont résisté jusqu’au bout à la mainmise de l’État sur l’économie libérale et sur la vie intime des citoyens avant de capituler à leur tour. Les causes et les suites de ce revirement sont révélatrices de l’avenir que le sort nous réserve probablement à tous.
De l’État providentiel à l’État orwellien
« Je devine au picotement de mes pouces, que quelque chose de sinistre s’avance vers nous. » Shakespeare, Macbeth
Déjà, en janvier, il était clair que la menace virale s’avançait dans notre direction. Mais en Europe comme aux États-Unis, c’est seulement au mois de mars, quand l’Italie sombre dans le chaos, qu’on prend conscience de l’imminence du désastre. Ainsi, nos États, dont la vocation consiste à être providentiels, ont manqué à leur fonction de prévoir, d’anticiper, de préparer. Au-delà de la question de la responsabilité individuelle des politiciens, il s’agit d’un manquement systémique de tout l’appareil étatique.
