Accueil Culture Florian Schneider, l’Homme et la machine

Florian Schneider, l’Homme et la machine


Florian Schneider, l’Homme et la machine
Le groupe allemand Kraftwerk © Numéro de reportage: 00830978_000013 Alessandro Bosio/PACIFIC /SIPA

Le musicien allemand, cofondateur du groupe Kraftwerk, s’est éteint à l’âge de 73 ans. 


Remplacer l’Homme par la machine ou, peut-être encore mieux: croiser l’Homme et la machine – une fiction qui en fait fantasmer plus d’un depuis longtemps. Dans le domaine musical, peu ont été aussi proches de réaliser cette utopie (ou dystopie, c’est selon) que le groupe Kraftwerk, fameux ovni originaire de Düsseldorf. Die Mensch-Maschine est d’ailleurs le nom programmatique de leur album sorti en 1977, année même de « l’automne allemand » marqué notamment par les attentats à répétition de la Fraction Armée Rouge, groupe terroriste d’inspiration marxiste.

A lire aussi: Cultivons l’empathie pour rester humains

Cet album contient des morceaux électroniques mettant l’ordinateur au centre du dispositif musical ; un procédé qui deviendra la marque de fabrique du groupe et influencera durablement le monde de la musique électronique. Malgré leur aspect premier de bande-son sortie tout droit d’un film de science-fiction, ces morceaux sonnent étonnamment mélodiques, le hit The Model ayant d’ailleurs conquis la première place des charts britanniques en son temps. Et quand le chanteur Ralf Hütter déclame « Nous sommes les robots » (Wir sind die Roboter), sa voix traitée par vocodeur laisse néanmoins transparaître une identité profondément allemande et un roulement de « r » caractéristique. La « germanité » de Kraftwerk est d’ailleurs un aspect qui les préoccupera dès leurs débuts, soucieux de développer une musique proche de leur identité, à contre-courant des groupes anglo-saxons ultra-dominants déjà à l’époque. 

Florian Schneider, de la tradition à l’innovation

Aux côtés de son comparse Ralf Hütter, lui aussi multi-instrumentiste, Florian Schneider confonde le groupe Kraftwerk en 1970. Les deux musiciens se rencontrent quelques années plus tôt au conservatoire de Düsseldorf. Formés à l’école classique, ils sont rapidement attirés par l’improvisation et l’innovation radicale. Ils installent même leur propre studio d’enregistrement et d’expérimentation musicale, le fameux Kling-Klang-Studio. 

Schneider, fils du célèbre architecte Paul Schneider-Esleben (à qui on doit notamment la conception de l’aéroport de Bonn-Cologne ou la tour Mannesmann à Düsseldorf) grandit dans un milieu privilégié qui lui permet d’avoir facilement accès à des instruments de musique. Très bon flûtiste, il développera lui-même un modèle de flûte électronique, puis s’intéressera aux synthétiseurs et au traitement artificiel de la voix. 

A lire aussi: Lindemann se met les féministes à dos

Florian Schneider entretint longtemps une image de personnage mystérieux, difficile d’accès. Il a donné l’une de ses rares interviews en 1975 (en compagnie de Ralf Hütter) au célèbre journaliste de rock Lester Bangs. Entretenant l’image technologique et conceptuelle du groupe, il y affirmait notamment : « L’ensemble du complexe que nous utilisons – l’équipement et notre quartier général à Düsseldorf – peut être considéré comme une machine, bien qu’il soit divisé en différentes parties ». En réponse à une remarque du journaliste selon lequel Kraftwerk était « anti-émotionnel », le musicien répondit que l’émotion était selon lui un « mot étrange ». Car pour Schneider, le but essentiel était de parvenir à réaliser ce qu’il appelait le « son pur ». A cette époque, le groupe venait de faire son entrée dans les charts américains avec leur titre Autobahn, devenu culte depuis. 

Un tournant dans l’histoire de l’électro-pop

Autobahn fut d’ailleurs le dernier album du groupe dans lequel certains instruments acoustiques ou électro-acoustiques, telle la flûte de Florian Schneider, furent utilisés. Kraftwerk se tourna dès lors vers une forme totale de musique électronique, préfigurant la techno et ses nombreux rejetons et avatars. Leurs performances scéniques, très épurées et futuristes, contribuèrent grandement à l’identité unique du groupe (plus récemment d’ailleurs, ils avaient développé un concept de concerts en 3D). 

A lire aussi, du même auteur: Penderecki, une âme polonaise

Peu de groupes allemands, tous styles confondus, peuvent au demeurant se targuer d’avoir atteint la notoriété internationale de Kraftwerk. Le groupe connut un succès tout particulier en Grande-Bretagne, où ils donnèrent des concerts dès 1975. Leur musique s’est rapidement propagée chez la jeune génération de l’époque, influençant directement des formations naissantes telles que The Human League et Depeche Mode. « Pour tous ceux de notre génération qui font de la musique électronique, Kraftwerk fait figure de parrain », déclarera d’ailleurs un jour Martin Gore. 

Florian Schneider s’était retiré du groupe en 2009 mais n’en demeurait pas moins une figure iconique. Sa maison de disques a annoncé son décès d’un cancer foudroyant, à l’âge de 73 ans. 



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Une politique de santé calquée sur celle de l’armement
Article suivant Culture: année blanche et idées noires
Avocat, chroniqueur, spécialiste des pays germanophones

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération