Le billet du vaurien
Deux mots d’abord, et peut-être un peu plus, pour préciser qui est Paul Feyerabend. Né à Vienne en 1924 et décédé en 1994 dans le canton de Vaud en Suisse, il est considéré, à l’instar de Karl Popper dont il fut l’élève et de Ludwig Wittgenstein, comme l’un des plus grands philosophes des sciences du vingtième siècle. Son livre : Contre la méthode, esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance (1975) est un classique, de même que : Adieu La Raison ou La tyrannie de la science. Il enseigna à Berkeley et prit la nationalité américaine, avant de se retirer en Suisse. Quand je travaillais au Monde, c’est Emmanuel Todd qui me l’avait fait découvrir. Cela tombait d’autant mieux que je m’étais déjà passionné pour le livre de Thomas Kuhn : La structure des révolutions scientifiques parus en 1962, époque où j’étais encore très sérieux.
Méfiez-vous de la science…
Les liens entre Thomas Kuhn et Paul Feyerabend sont évidents : pour eux, la science n’est scientifique qu’en apparence, enfermée qu’elle est dans son jargon et son logicisme, sans omettre les luttes de pouvoir qui s’exercent pour la contrôler et la manipuler. Dans ce qu’elle a de plus fécond, elle relève plus de l’art que d’une méthode prétendument expérimentale. Pour Feyerabend, le seul principe qui vaut est « Tout est bon ». Telle serait la devise de l’anarchisme épistémologique. Ajoutons qu’à ses yeux il n’y a pas d’idée si ancienne et absurde soit-elle, qui ne soit capable de faire progresser nos connaissances.
Et, sur ce plan, vous pressentez la proximité qu’il y a entre le Professeur Raoult et Paul Feyerabend. Nous sommes en présence de deux dadaïstes de l’épistémologie, ce dont il faut se féliciter, car ils ne sont pas si nombreux nos « experts » et nos éminents professeurs de médecine à avoir lu Paul Feyerabend, à supposer qu’ils aient même jamais entendu parler de lui. Ce qui n’est pas le cas du Professeur Raoult qui a reconnu combien Paul Feyerabend a été et reste une référence inspirante dans ses recherches. On peut supposer et même espérer que le Président Macron qui se pique de philosophie l’a étudié, ce qui expliquerait son intérêt passionné pour la démarche du Professeur Raoult. Ce que ce dernier a également retenu de Feyerabend, c’est la nécessité d’instaurer un débat public pour faire avancer ses idées plutôt que de rester prisonnier de méthodologies qui servent plus à bâillonner les connaissances qu’à les faire progresser. Il n’est pas si fréquent qu’un médecin et scientifique de carrure internationale, Français de surcroît, se réfère à un philosophe qui occupe une place de premier plan dans l’histoire des idées. On souhaiterait que cela soit plus répandu et que ceux qui traitent le Professeur Raoult de guignol ou de gourou la ramènent un peu moins et, qui sait, élèvent le débat au niveau où Feyerabend et Thomas Kuhn avant lui, sans omettre Popper et Wittgenstein, ont révolutionné l’épistémologie des sciences.
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