En 1975, notre vaurien publiait L’exil intérieur. Il se demande aujourd’hui s’il n’avait pas prévu malgré lui ce qui se passe aujourd’hui.
L’Exil intérieur était-il un livre prémonitoire ? Ce n’est pas à moi d’en juger. Mais la « distanciation sociale » à laquelle nous assistons semble me donner raison : la Deuxième Guerre mondiale avec un nombre infiniment supérieur de victimes avait encore quelque chose d’humain. La biocratie dont rêvait alors les dirigeants s’est progressivement installée avec une médecine qui a pris la relève de la religion et des fonctionnaires de la santé mentale qui décident unilatéralement de ce qui est bon ou mauvais pour nous. Nous disposons d’une expérience grandeur nature avec la pandémie du coronavirus. La Santé a remplacé le Salut. Et nous pouvons vérifier une fois de plus qu’il n’y a qu’une seule chose que les hommes préfèrent à la liberté, c’est la servitude. Michel Foucault et Thomas Szasz dans leurs travaux respectifs sur la folie l’ont bien mis en évidence. La psychose collective qui se déroule sous nos yeux les inspirerait.
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Le “principe de précaution” met la vie en suspens
Si je devais ajouter un Post-Scriptum à L’Exil intérieur, il traiterait du principe de précaution : c’est toujours au nom de la Vie qui est divinisée que des mesures liberticides sont mises en œuvre, affaiblissant du coup notre système immunitaire collectif et obligeant chacun à se replier sur son espace intime, à vivre dans un exil intérieur ou, ailleurs, dans un goulag soft. En mai 68, on proclamait qu’il était interdit d’interdire et qu’on avait toujours raison de se révolter. Voilà qui est devenu inaudible, voire scandaleux. « Crevez dans votre trou ! » et tout sera pour le mieux dans le meilleur des mondes, tel est le message subliminal que les pouvoirs politiques ne cessent de diffuser, tout en se dévouant nuit et jour pour sauver des vies, histoire de crédibiliser leur fonction.
L’isolement, une soumission?
L’Exil intérieur était le récit d’une déshumanisation à laquelle j’avais de la peine à me résoudre. Sans doute avais-je vu trop de westerns. Mais vivre debout plutôt que de mourir à genoux, voilà qui avait encore du panache ! Quand John Wayne boit des bouteilles de laudanum données par son pote médecin, James Stewart, dans Le dernier des Géants pour achever sa mission, je me prends à regretter un temps où l’honneur de l’homme tenait à son courage et à sa fraternité, plutôt qu’au confinement auquel il est réduit aujourd’hui. Ce temps est définitivement révolu. Mais peut-être se rendra-t-il compte un jour que l’angoisse sécrétée par l’exil intérieur tue plus sûrement que n’importe quel virus.
Mais il sera alors trop tard : nous aurons si bien intégré l’idée de « soumission » que nous continuerons à survivre comme des fourmis dans une fourmilière.
Bienvenue aux lendemains qui déchantent !